Au XVIIe siècle, la cour de France était la plus splendide de l’histoire de l’humanité, non seulement du point de vue matériel, mais par le raffinement de sa culture.
Belle et sans cœur, elle prétendait que la vanité était à l’origine de toutes les actions humaines !
Comme le disait François de La Rochefoucauld (1613 – 1680), le célèbre auteur des « maximes » moralistes :
« C’est plutôt par l’estime de nos propres sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par l’estime de leur mérite ; et nous voulons nous attirer des louanges lorsqu’il semble que nous leur en donnons. »
François de La Rochefoucauld
Ses critiques narquoises et dévastatrices résumaient bien la nature humaine à cette époque :
« Quelque bien qu’on dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau ! »
La philosophie de Descartes (1596 – 1650) contribuait en grande partie à l’essor d’un nouveau genre de cynisme et le manque de sincérité ambiant laissa vite place à la tyrannie du goût et à celle du style !
Descartes développa un système de raisonnement clos, une philosophie rationaliste qui n’avait plus besoin de se référer au monde des sens, permettant ainsi à une succession de diplomates et de politiciens français de damer le pion à leurs homologues étrangers.
Ils avaient beau porter les mêmes habits que leurs contemporains allemands, italiens, hollandais, espagnols ou anglais, la différence entre leurs consciences était aussi radicale que celle qui existait entre les Conquistadors et les Aztèques !
René Descartes
Au XVIIIe siècle, des libertins comme Giacomo Casanova (1725 – 1798), le marquis de Sade (1740 – 1814), Pierre Choderlos de Laclos (1741 – 1803), l’auteur « des Liaisons dangereuses », ou encore Claude-Prosper Jolyot de Crébillon (1707 – 1777) dit « Crébillon fils », auteur du roman « Les Égarements du cœur et de l’esprit », deviendront même des hommes de référence !
La sexualité implique toujours une notion d’effort mais dès le XVIIe siècle, cet effort était aussi devenu une fin en soi.
De fait, la sexualité fut dissociée de la spiritualité et pouvait désormais se réduire à un simple et banal exercice de pouvoir !
Giacomo Casanova
Marquis de Sade
À Versailles, Louis XIV (1638 – 1715) s’octroya lui-même le titre de « Roi Soleil », mais ce « soleil » avait une face cachée :
La cour vivait dans un raffinement extrême alors que les paysans étaient surtaxés et mouraient de faim !
Louis XIV
Versailles
Dans la première moitié du XVIIe siècle, le cardinal de Richelieu (1585 – 1642) massacrait les religieux insoumis et portait toujours sur lui une étrange baguette en or et en ivoire, dont ses ennemis craignaient les pouvoirs magiques.
De nombreuses rumeurs laissaient entendre qu’il possédait de puissants secrets ésotériques !
En réalité, son éminence grise et mentor, le père Joseph, lui avait seulement appris quelques exercices spirituels permettant de développer certaines facultés parapsychologiques.
Richelieu se désespérait, il n’avait qu’une obsession, celle d’atteindre « l’autre côté » : le monde des esprits !
Cardinal de Richelieu
Urbain Grandier (1590 – 1634), le prêtre accusé de sorcellerie dans l’affaire des démons de Loudun, qu’il avait fait torturer avant de l’envoyer au bûcher le 18 août 1634, lui avait pourtant adressé un très bon conseil :
« Vous êtes un homme compétent, ne vous détruisez pas ! »
Cependant, les « Adeptes » des sciences occultes n’étaient pas tous logés à la même enseigne…
Urbain Grandier
Lesebren, un des docteurs de Louis XIV, rapporta une histoire étrange que vécut un de ses amis qui avait concocté ce qu’il pensait être « l’Élixir de vie » !
Il avait commencé à en prendre quelques gouttes chaque matin à l’aube, accompagné d’un verre de vin mais, après quatorze jours, ses ongles et ses cheveux commencèrent à tomber. Il paniqua et cessa ce traitement sur-le-champ !
Il finit alors par l’administrer à une vieille poule, en trempant son maïs dans la « dite » potion. Au bout de six jours, elle n’avait plus de plumes.
Deux semaines plus tard, il lui en poussa de nouvelles, plus brillantes et plus colorées que celles de sa jeunesse et elle pondit à nouveau des œufs !
Nous laissons aux amoureux de l’Art le soin d’apprécier à sa juste valeur, cette « incroyable » anecdote !
Au milieu du XVIIIe siècle, la montée en puissance des États-Unis n’était encore qu’une vision mystique, cependant la franc-maçonnerie fournissait déjà un espace protégé, où l’on pouvait discuter librement d’art et de moralité, mener des recherches scientifiques et enquêter sur le monde des esprits.
Ce débordement d’enthousiasme et les espérances que faisait naître l’aube de cette ère nouvelle parmi les artistes, les compositeurs et les écrivains des sociétés secrètes, fit éclore le Romantisme.
Chaque fois que survint un grand épanouissement de l’art imaginatif et de la littérature, comme lors de la Renaissance, il fallait toujours y voir la présence cachée de l’idéalisme sacré en tant que philosophie de vie, et souvent derrière, des sociétés secrètes qui cultivaient cette philosophie !
Rituel, initiation des francs-maçons
De tout temps, l’aspect philosophique de l’idéalisme sous-entendait que les idées étaient plus réelles que les objets, cependant l’idéalisme tel qu’il est entendu de manière courante aujourd’hui, c’est-à-dire vivre selon des idéaux élevés, ne fut en réalité, qu’une invention du XIXe siècle !
Au siècle précédent, les loges anglaises, américaines et françaises avaient cherché à créer des sociétés moins cruelles, moins superstitieuses et ignorantes, moins répressives et plus tolérantes.
Le monde était devenu tout cela, mais également moins hypocrite et moins frivole !
Cependant, avant même la Terreur (période de massacres à la Révolution Française), il régnait un trouble, une anxiété et l’idée que si la société avait été faite pour s’accommoder de lignes droites, ces lignes n’étaient adéquates ni pour la nature humaine, ni pour les forces ténébreuses qui opéraient en dehors des lois de la nature !
C’est dans ce contexte qu’apparut le « Romantisme » et on peut dire que ce mouvement fut alors une tentative de maîtriser le sentiment intense et galvanisant qui surgit au plus profond de chaque être humain et que nous appelons aujourd’hui l’inconscient…
Il donna naissance à une musique et à une poésie d’une rare intensité, ne voulant plus s’encombrer de conventions et encourageant même la spontanéité et l’abandon de soi !
Avec le romantisme, l’idéalisme philosophique redevint une philosophie de vie !
Ce mouvement exaltait l’imaginaire plus que tout autre chose et défendait l’idée mystique et ésotérique que l’imagination est un mode de perception supérieur à celui qu’offraient les autres sens…
L’imagination pouvait donc permettre de saisir des réalités supérieures à celles du matérialisme !
Dans l’histoire conventionnelle, le romantisme ne fut cependant qu’une réaction à l’ordre bienséant du XVIIIe siècle. Sur Wikipédia, on peut lire :
« Le romantisme est un mouvement culturel apparu à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne et en Angleterre et se diffusant à toute l’Europe au cours du XIXe siècle, jusqu’aux années 1850. Il s’exprime dans la littérature, la peinture, la sculpture, la musique, la politique et la danse.
Il se caractérise par une volonté de l’artiste d’explorer toutes les possibilités de l’art afin d’exprimer ses états d’âme : il est ainsi une réaction du sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l’évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le sublime, l’exotisme et le passé, l’idéal ou le cauchemar d’une sensibilité passionnée et mélancolique.
Ses valeurs esthétiques et morales, ses idées et thématiques nouvelles ne tardent pas à influencer d’autres domaines, en particulier la peinture et la musique. »
Nous irons beaucoup plus loin, en ajoutant que ce furent des forces « démoniaques » plutôt que de simples forces inconscientes qui entraînèrent cette réaction.
Et son origine était sexuelle !
Dans la Kabbale, comme dans toutes les traditions ésotériques, la Création est conçue comme une série d’émanations de l’Esprit cosmique (les sephirot, ou servants).
Comme dans les mythes grecs et romains, ces émanations sont considérées comme féminines ou masculines.
L’En Sof, l’Esprit cosmique inatteignable (la cause des causes), exalte des esprits féminins et masculins, et ceux-ci se mêlent sexuellement, à mesure que l’impulsion de la Création descend en spirale.
De même que les images érotiques qui s’impriment dans l’esprit créent du sperme, les actes imaginaires d’amour de l’En Sof génèrent des effets physiques.
Aussi, l’imagination (surtout celle créée par la sexualité) peut être considérée comme le principe de base de la créativité.
Dans le récit kabbalistique, ce fut un déséquilibre entre les sephirot mâles et femelles qui fut la cause de la Chute de l’homme, aussi en imaginant un acte d’amour équilibré et harmonieux entre les sephirot, l’adepte pouvait contribuer à réparer cette première erreur cosmique !
Dans la tradition de la Kabbale, les chérubins déployant leurs ailes sur l’Arche d’Alliance, dans le Saint des Saints du premier Temple de Jérusalem, étaient l’image de l’acte sexuel harmonieux entre les sephirot mâles et femelles.
Cependant, quand le Temple fut saccagé par Antioche en 168 av. J.-C., ces images érotiques furent exposées dans les rues, dans le but de ridiculiser les juifs…
En 70 ap J.-C., le Temple de Salomon fut de nouveau détruit mais on le reconstruisit. Désormais, l’acte d’amour entre les sephirot mâles et femelles allait être au centre d’un vaste projet, destiné à réparer cette grande erreur !
Le meurtre d’Hiram Abiff, l’architecte du Temple de Salomon, avait conduit à la perte du Verbe et à un certain niveau, le Verbe perdu était le pouvoir de procréation surnaturelle que l’humanité avait exercé avant sa Chute dans la matière !
Au XVIIIe siècle, un mystérieux inconnu allait symboliser ce projet.
Une partie de sa mission fut alors de réintroduire la connaissance du Verbe dans le courant de l’histoire humaine, à travers la franc-maçonnerie ésotérique.
Mais nous y reviendrons plus loin en détail…
Hiram Abiff (Xe siècle av. J.-C.)
Pendant la période romantique, la vie intérieure des individus s’était finalement étendue pour devenir un vaste cosmos d’une variété infinie…
L’intimité appelait l’intimité, l’amour appelait l’amour d’un cosmos pour un autre et avec le romantisme, il devint symphonique !
Le romantisme devint alors le nouveau courant populaire, hostile au matérialisme !
Cette nouvelle façon de faire l’amour, de rejouer la création du cosmos, était une façon de dire que le bien n’était pas seulement affaire de puissance, qu’il existait des idéaux plus élevés que l’opportunisme et l’égoïsme éclairé et que, si on travaillait pour atteindre le bon état d’esprit, on pouvait encore faire l’expérience d’un monde plein de sens !
Ce qui revenait à dire que si les gens faisaient l’amour pour s’illuminer, alors le « sens » se poserait à nouveau naturellement sur le monde, telle la rosée du matin !
Le poète allemand Novalis parlait quant à lui « d’idéalisme magique », mais c’est aussi cette magie, cette nouvelle sorte d’idéalisme, cet esprit volcanique, qu’évoquaient les musiques de Beethoven et de Schubert.
Ludwig van Beethoven (1770 – 1827) entendait un nouveau langage musical, ressentant et exprimant des choses qui n’avaient jamais été ressenties où exprimées avant !
Comme pour Alexandre le Grand, identifier cet influx divin était devenu pour lui une obsession, le poussant à chercher la source de son génie inépuisable, en lisant et relisant les textes ésotériques égyptiens et indiens…
Franz Schubert (1797 - 1828)
Ludwig van Beethoven
Pour Beethoven, sa Sonate en ré mineur et l’Appassionata étaient les équivalents de « La Tempête » de William Shakespeare (1564 – 1616) : l’expression la plus explicite de ses idées occultes !
En France, le martiniste romancier et académicien Charles Nodier (1780 – 1844) initia à la philosophie ésotérique de jeunes romantiques, comme Victor Hugo, Honoré de Balzac, Dumas fils, Delacroix et Gérard de Nerval !
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le grand courant platonicien avait survécu, un courant de sens vivant, que des intellects subtils, ceux de Shakespeare et du poète John Keats (1795 – 1821), purent discerner de temps à autre…
John Keats
Keats appela cela la « capacité négative » qui, d’après lui, surgissait lorsqu’un être était capable de vivre dans l’incertitude, le mystère, le doute, sans se sentir frustré et chercher absolument un fait ou une raison.
En d’autres termes, il appliquait à la poésie la même volonté de ne pas imposer de schéma, la même disponibilité permettant le surgissement d’un schéma plus riche, que Francis Bacon conseillait déjà dans la sphère scientifique !
Profondément immergé dans la pensée de Böhme et de Swedenborg, le poète William Wordsworth (1770 – 1850) décrivit probablement le mieux et de la manière la plus pure, l’expression du sentiment au cœur de l’idéalisme, comme philosophie de vie :
« Et j’ai ressenti une présence qui m’a surpris avec la joie de hautes pensées ; la conscience inouïe de quelque chose mêlée au plus profond de mon être, qui habite la lumière des soleils couchants, la rondeur de l’océan, l’air plein de vie, et le ciel bleu, qui dans l’esprit humain est cet élan, ce démon qui fait s’animer les choses pensantes, les sujets de chaque pensée et roule à travers toute chose. »
William Wordsworth
Au XVIIIe siècle, à 56 ans, un scientifique célèbre, déclara lui aussi, être entré dans la phase spirituelle de sa vie et prétendait avoir des rêves et des visions mystiques, dans lesquels il visitait le Paradis et l’Enfer ou discutait avec les anges et les esprits, voire avec Dieu et Jésus-Christ eux-mêmes !
Jusqu’au XIXe siècle, ses récits sur les êtres désincarnés influencèrent fortement la franc-maçonnerie.
Partons maintenant à sa rencontre…
Emanuel Swedenborg
Emanuel Swedenborg naquit le 29 janvier 1688 à Stockholm (Suède).
Son père, Jesper Svedberg, était un pasteur luthérien qui devint professeur de théologie à l’université d’Uppsala et évêque de Skara grâce à l’appui de Charles XI.
Jesper Svedberg transmit à son fils son intérêt pour les thèses piétistes et sa croyance en la présence des anges et des esprits sur Terre.
Lorsque Jesper accéda à la charge d’évêque à Skara, il ne put plus superviser l’éducation de son fils, Emanuel fut élevé par sa sœur Anna et son beau-frère Ericus Benzelius, un érudit avec lequel il maintiendra des relations étroites, toute sa vie.
Emanuel Swedenborg (1688 - 1772)
Après avoir obtenu en 1709, son doctorat en philosophie à l’université d’Uppsala, Swedenborg entreprit un grand tour à travers l’Europe : Londres, Oxford, Leydre, Paris, Bruxelles…
De retour en Suède en 1715, il se consacra aux sciences et à l’invention pendant une vingtaine d’années…
En 1716, après avoir été présenté au roi Charles XII à Lund, qui appréciait ses talents, Swedenborg fut nommé Assesseur au Collège des Mines.
En 1718, il publia un traité latin « Méthode nouvelle pour trouver les longitudes par les observations lunaires », puis un traité en suédois en dix volumes sur l’algèbre, le calcul différentiel et intégral, la mécanique et la balistique.
Charles XII de Suède (1682 - 1718)
Anobli en 1719, il obtint le droit de siéger à la chambre haute du Parlement suédois. Cette même année, il publia aussi en suédois différents traités sur le mouvement de la Terre et des planètes, ainsi qu’un traité sur la hauteur des eaux et les fortes marées dans le monde primitif.
Il inventa un système décimal monétaire, également utilisable pour l’étude de la cristallographie. Il utilisa une nouvelle méthode pour calculer et déterminer la longitude, à partir d’un point maritime ou terrestre, suivant l’observation des phases lunaires.
Il introduisit en Suède le calcul infinitésimal. Dans le tome I de ses Opera philosophica et mineralis (1734), il fut le premier à émettre l’hypothèse de la formation du système solaire, décrivant la nature de la Voie Lactée, précédant ainsi celles de Buffon et de Laplace.
Il élabora également une théorie moderne de l’atome, une théorie vibratoire de la lumière, une théorie cinétique de la chaleur et s’intéressa au magnétisme bien avant Michael Faraday.
Swedenborg fut un scientifique et un inventeur si prolifique qu’il fut surnommé « le Léonard de Vinci du Nord » ou encore « l’Aristote de Suède ».
À partir des années 1730, Swedenborg s’intéressa de plus en plus aux questions spirituelles. Il cherchait à découvrir une théorie expliquant les relations entre la matière et l’esprit et se concentra pour cela sur l’anatomie.
Il découvrit la fonction des glandes endocrines, le fonctionnement du cerveau et du cervelet. Il produisit également une étude avancée sur la circulation du sang et sur la relation du cœur et des poumons (Œconomia regni animalis).
Les travaux médico-psychologiques de Swedenborg sont rassemblés dans un traité en quatre volumes « Le Cerveau », qui ne fut redécouvert qu’en 1880, parmi les archives de l’Académie Royale des sciences de Suède.
À l’âge de 56 ans, il abandonna ses recherches scientifiques et s’adonna entièrement à la recherche théologique, psychologique et philosophique, dans le but de faire découvrir aux hommes une spiritualité rationnelle basée sur des visions de l’au-delà.
Il commença l’apprentissage de l’hébreu à 57 ans et eut sa première expérience mystique en 1753.
Il en parla ouvertement dans une lettre à son ami le Dr Hartley :
« J’ai été appelé à une fonction sacrée par le Seigneur lui-même, qui s’est manifesté en personne devant moi son serviteur. Alors il m’a ouvert la vue pour que je voie dans le monde spirituel. Il m’a accordé de parler avec les esprits et les anges… »
Il nota ses expériences dans son Drömmar (Rêves) écrit entre décembre 1743 et octobre 1744, ainsi que dans son « Diarium Spirituale » écrit entre 1747 et 1765.
Jusqu’en 1770, il publiera une multitude de traités et mourra d’un ictus à Londres, le 29 mars 1772. Ses restes reposent depuis 1908 dans la cathédrale d’Uppsala, en Suède.
Après sa mort, sa pensée inspira diverses mouvances religieuses et maçonniques. Vers 1787, une nouvelle Église fondée sur ses écrits spirituels fut même créée : « L’Église de la Nouvelle Jérusalem ».
Sa recherche insatiable du siège de l’âme le conduisit à rencontrer les célébrités scientifiques de l’époque : Isaac Newton, Leibniz, des membres de la Royal Society, des universitaires d’Oxford et de Cambridge.
Ses écrits eurent une très grande influence sur les écrivains et poètes romantiques, mais aussi sur Voltaire, Balzac, Baudelaire ou encore plus tard, Paul Valéry…
Emmanuel Kant (1724 – 1804), le philosophe allemand fondateur de l’idéalisme transcendantal, s’intéressa lui aussi considérablement à l’œuvre théosophique de Swedenborg.
Dans un essai publié en 1766, « Les rêves d’un voyeur d’esprits expliqués par des rêves de la métaphysique », il conclut qu’il était difficile chez Swedenborg de distinguer le délire visionnaire de la métaphysique dogmatique !
Mais qui était réellement Swedenborg ?
En juin 1744, John Paul Brockmer, un horloger de Londres, se demanda ce qui pouvait bien clocher chez son locataire !
Emanuel Swedenborg, un ingénieur suédois, semblait être un personnage discret et respectable qui fréquentait la chapelle morave du quartier tous les dimanches. Pourtant, les cheveux dressés, il écumait et courait dans la rue, bégayant et prétendant être le Messie !
Brockmer essaya de le persuader de voir un médecin ; au lieu de cela, Swedenborg s’enfuit à l’ambassade de Suède.
Comme ils ne le laissèrent pas entrer, il se déshabilla et se roula dans la boue d’un caniveau, en jetant de l’argent aux passants !
Swedenborg expérimentait certaines techniques sexuelles destinées à atteindre des états de conscience altérés extrêmes, enseignées dans la respectable chapelle morave de New Fetter Lane.
Une chapelle que fréquenta également le célèbre peintre et poète William Blake (1757 – 1827)…
Jusqu’ici nous avons décrit à travers Ouroboros, différentes techniques permettant d’altérer les états de conscience, mais les techniques sexuelles sont d’une toute autre nature : elles comptent parmi les secrets les mieux gardés des sociétés secrètes !
William Blake
Dès l’enfance, Swedenborg avait essayé de contrôler sa respiration et avait remarqué que s’il retenait son souffle longtemps, il se trouvait dans une sorte de transe !
Il découvrit également qu’en synchronisant sa respiration avec son pouls, il pouvait entrer dans une transe encore plus profonde :
« Je fus réduit à un état d’insensibilité quant aux sens corporels, par conséquent, presque à l’état des mourants ; cependant la vie intérieure me restait entière, ainsi que la pensée, pour que je perçusse et que je retinsse dans ma mémoire ce qui se passe en ceux qui sont morts et sont ressuscités. J’eus d’abord la respiration qui est propre à la vie, puis une respiration tacite. »
Persévérer dans ces techniques pouvait-il apporter d’autres résultats ?
Swedenborg parle d’une certaine lumière réconfortante et d’une clarté encourageante qui dansent dans l’esprit, comme une radiation mystérieuse…
Il dit que l’âme est appelée à une communion intérieure, qu’elle est retournée à l’âge d’or de sa perfection intellectuelle ; mais aussi que l’esprit, la petite flamme de son amour, méprise tout à l’exception des plaisirs corporels.
La neurologie moderne a confirmé que la méditation accroît le niveau de DHEA et de mélatonine, sécrétions produites par les glandes pinéale et pituitaire qui, selon les occultistes, quand elles fonctionnent ensemble, développent le chakra du « troisième œil ».
Swedenborg écrivit aussi sur des méthodes de respiration rythmées sur les pulsations génitales. Il pratiquait ce genre d’exercices de contrôle de la respiration en imaginant des femmes nues se contorsionnant érotiquement et prenant la forme des lettres hébraïques !
Ces images étaient considérées comme des emblèmes, des sceaux magiques puissants. De nos jours, certains groupes hassidiques se servent encore des mêmes techniques et utilisent les énergies sexuelles à des fins spirituelles.
À titre anecdotique, sachez que le célèbre chanteur Bob Dylan, l’héritier si l’on peut dire de la tradition poétique de William Blake, a aussi exploré certaines de ces pratiques !
Au XVIIIe siècle, grâce à ses empires coloniaux en Orient, l’Europe finit enfin par avoir accès à certaines pratiques tantriques !
Afin de provoquer une excitation durable, les initiés devaient se soumettre à une discipline psychologique ; l’érection redirigeait les énergies sexuelles dans le cerveau et par-là, permettait une entrée dans le monde des esprits, une extase visionnaire plus ample qu’une simple jouissance.
Swedenborg pratiquait une technique très difficile de contrôle musculaire, connue seulement des maîtres indiens où, au moment de l’éjaculation, le sperme est redirigé vers la vessie, et n’est donc pas expulsé.
Il expérimentait alors à sa façon, une version typiquement chrétienne de l’arcane de l’amour !
On peut aisément comprendre le danger de ces techniques et la raison de leur extrême confidentialité. Non maîtrisées, elles peuvent entrainer un risque certain de décompensation, pouvant aller de la folie jusqu’à la mort !
À cette époque, les Moraves de Londres étaient sous l’influence du charismatique comte de Zinzendorf (1700-1760).
Ce dernier encourageait les membres de la congrégation à visualiser, sentir et toucher, en imagination, la blessure sur le flanc du Christ.
Dans la vision de Zinzendorf, cette blessure était un doux vagin, suintant un jus magique : la lance de Longinus devait être répétitivement et extatiquement plongée en elle !
Il encourageait le sexe comme un acte sacré et exhortait ses disciples à voir les émanations divines et spirituelles de l’autre, au moment du coït…
Nikolaus Ludwig von Zinzendorf
Une prière mentale conjuguée à ce moment-là avait une puissance magique particulière. Ainsi, comme le disait Swedenborg :
« Le partenaire voit l’autre partenaire dans son esprit… chacun a l’autre en lui pour qu’ils cohabitent dans leur intimité profonde. »
Dans « Los », il écrivit : « À Beulah, la Femelle laisse tomber son magnifique Tabernacle que le Mâle pénètre majestueusement entre son Chérubin et ne fait plus qu’un avec elle, mélangé… Il existe un endroit où les Contraires sont aussi vrais, cet endroit se nomme Beulah. »
Lors de transes visionnaires, les partenaires étaient capables de se rencontrer, de communiquer et même de faire l’amour dans leur forme démembrée et spirituelle !
Comme nous l’avons déjà dit auparavant, dans le récit kabbalistique, les chérubins déployant leurs ailes sur l’arche d’Alliance représentaient l’image de l’acte sexuel harmonieux entre les sephirot mâles et femelles.
Mais le déséquilibre entre les sephirot mâles et femelles provoqua la Chute, aussi en imaginant un acte d’amour équilibré et harmonieux entre les sephirot, l’adepte pouvait contribuer à réparer la grande erreur cosmique et par la même occasion, réintroduire la connaissance du Verbe perdu dans le courant de l’humanité !
Au XVIIIe siècle, cette tâche « divine » fut confiée à un mystérieux personnage.
Partons à sa rencontre…
Le comte de Saint-Germain
De tous les personnages que nous avons rencontrés depuis le premier chapitre d’Ouroboros, le comte de Saint-Germain est sans aucun doute le plus délicat à aborder.
Aussi, intéressons-nous pour commencer à la version « officielle » :
Le comte de Saint-Germain est probablement né entre 1690 et 1710, cependant sa naissance n’a pu être conjecturée que sur la base de quelques témoignages épars, dont celui de son ami le prince de Hesse-Cassel.
Certains témoignages laisseraient supposer qu’il était l’enfant illégitime du prince François II Rakóczi de Transylvanie et de la princesse Violante-Béatrice de Bavière, de la dynastie des Wittelsbach.
D’autres, qu’il était l’enfant naturel de la reine d’Espagne Marie-Anne de Neubourg et du comte de Melgar.
Ces liens de parenté, dont aucun n’est réellement avéré, pourraient expliquer le train de vie extrêmement aisé qu’il a toujours mené, son éducation et sa culture.
Outre ses connaissances certaines en chimie, Saint-Germain fut reconnu par ses contemporains comme un homme de très grand savoir, un musicien habile et un peintre de qualité.
En 1746, Saint-Germain quitta Londres et on perdit sa trace pendant 12 ans…
Pour certains, il se retira en Allemagne où il se consacra à ses recherches chimiques et alchimiques.
Pour d’autres, il voyagea jusqu’en Inde et au Tibet : cependant, aucune preuve de ces périples n’est avancée, mis à part que le comte avait une profonde connaissance de l’Orient !
Il arriva à Paris au début de 1758 et se mit en quête d’un logement royal afin d’y installer son laboratoire et une manufacture.
Curieusement, après avoir adressé une requête au directeur des Bâtiments du Roi, Marigny, il se vit attribuer le château de Chambord !
À Paris, il conquiert la marquise de Pompadour, qui l’introduisit auprès du roi Louis XV.
Cependant, si le comte de Saint-Germain s’attira vite la sympathie du roi, il se fit aussi un ennemi en la personne du puissant duc de Choiseul, le principal ministre de Louis XV, qui lancera une campagne pour le discréditer.
Château de Chambord
Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour (1721 - 1764)
Officiellement, Choiseul dut attendre 1760 pour le faire tomber en disgrâce et accuser d’espionnage !
Le comte se serait alors réfugié aux Pays-Bas et dans les années suivantes, on le signala aussi en Angleterre, en Italie, en Russie, en Saxe ou encore en Prusse.
En 1766, il se serait aussi mis sous la protection du roi de Prusse Frédéric II, puis les années suivantes sous celle du prince de Hesse-Cassel, à Gottrop (sur la Baltique).
D’après ce dernier, il serait mort le 27 février 1784 à Eckernfõrde, dans le Schleswig, à l’âge de 93 ans.
Cependant personne d’autre n’a jamais pu confirmer réellement le décès !
Pour la première fois dans Ouroboros, nous allons réfuter presque entièrement la version « officielle » et dévoiler de nombreux faits, gardés jalousement secrets !
Le comte fit son apparition subitement dans la société européenne en 1710. Il disait être originaire de Hongrie et paraissait déjà avoir la cinquantaine…
Petit, à la peau mate, il portait toujours des vêtements noirs, des diamants extraordinaires et ses traits les plus frappants étaient ses yeux hypnotiques.
Il parlait plusieurs langues (le grec, le latin, le sanscrit, l’arabe, le chinois, le français, l’allemand, l’anglais, l’italien, le portugais et l’espagnol), jouait du violon, peignait et semblait avoir également la capacité extraordinaire de lire dans les esprits !
Comte de Saint-Germain
Il pratiquait des techniques secrètes de respiration apprises chez les fakirs hindous et pour méditer, adoptait des postures de yoga, alors inconnues en Occident.
Il se rendait aux banquets mais personne ne le vit jamais manger en public. Il buvait seulement un étrange thé aux herbes qu’il préparait lui-même.
Le plus grand mystère entourant la vie du comte de Saint-Germain fut, sans conteste, son incroyable longévité !
Lorsqu’il était apparu en société en 1701, lors de sa rencontre avec Jean-Philippe Rameau à Venise, il paraissait avoir la cinquantaine, mais il continua à fréquenter la haute société jusqu’en 1782, sans jamais sembler vieillir !
Les derniers témoignages sur sa présence remontent à 1822, année où il disparut aussi mystérieusement qu’il était apparu !
Jean-Philippe Rameau (1683 - 1764)
Il serait facile de réfuter cette histoire et de dire qu’elle ressemble à un roman d’Alexandre Dumas, mais il s’avère que sur cette aussi longue période, des témoins illustres et à priori dignes de foi, ont aussi mentionné leurs rencontres avec Saint-Germain :
Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764), Jeanne-Antoinette Poisson dite « la marquise de Pompadour » (1721 – 1764), le roi Louis XV (1710 – 1774), le baron Robert Clive (1725 – 1774), Voltaire (1694 – 1778), le comte d’Oxford Horace Walpole (1717 – 1797) ou encore le célèbre Giacomo Casanova (1725 – 1798) !
Dans une lettre du 15 avril 1760 à Frédéric II, Voltaire disait de lui : « C’est un homme qui ne meurt point, et qui sait tout ».
Le roi de Prusse Frédéric II l’appelait aussi personnellement : « l’homme qui ne peut pas mourir » !
Roi de Prusse Frédéric II dit « Frédéric le Grand » (1717 - 1786)
D’après ceux qui l’ont connu, les efforts de Saint-Germain ont toujours été en faveur de la paix et personne ne lui connut d’actes malhonnêtes !
Cependant, il est vrai de dire que personne ne savait d’où venait son immense fortune, certains parlaient de l’alchimie…
À ce propos, l’occultiste Jean-Baptiste Alliette (1738 – 1791) dit « Etteilla » affirmait que le Comte de Saint-Germain, dont il disait aussi être un disciple depuis vingt ans, était le véritable auteur de « L’entrée ouverte au palais fermé du roi » (1645).
Ce petit clin d’œil parlera sans doute aux lecteurs d’Eyrénée Philalèthe !
« Ayant pénétré, moi, Philalèthe, Philosophe anonyme, les arcanes de la médecine, de la chimie et de la physique, j’ai décidé de rédiger ce petit traité, l’an 1645 de la Rédemption du monde et le trente-troisième de mon âge, afin d’acquitter ce que je dois aux Fils de l’Art et pour tendre la main à ceux qui sont égarés dans le labyrinthe de l’erreur…
Au bienheureux que Dieu a gratifié de ce talent, sont promis d’autres plaisirs bien plus désirables que l’admiration populaire.
Premièrement, s’il vivait mille ans, et qu’il eût chaque jour un millier d’hommes à nourrir, il ne manquerait de rien, parce qu’il pourrait multiplier la pierre à son gré, tant en qualité qu’en quantité.
De telle sorte que cet homme, s’il était un Adepte, pourrait s’il le désirait convertir tous les métaux imparfaits du monde en or ou en argent véritable.
En second lieu, il pourra par le même art fabriquer des pierres précieuses et des gemmes plus belles que toutes celles qui pourraient, sans cet art, se trouver dans la nature.
Troisièmement, et enfin, il possède une médecine universelle, capable aussi bien de prolonger la vie que de guérir toutes les maladies.
De manière qu’un seul Adepte, s’il l’est vraiment, est en état de rendre la santé à tous les malades du monde entier…
Et je conseille à celui qui jouit de ce talent de s’en servir pour l’honneur de Dieu et l’utilité de son prochain, afin de ne pas paraître ingrat envers le Créateur qui lui a confié ce don précieux, ni de se voir condamné au dernier jour.
Cette œuvre a été commencée en 1645 et achevée par moi qui ai dévoilé ces arcanes, sans chercher de louanges, mais souhaitant venir en aide comme un ami, un frère, à ceux qui s’intéressent sincèrement à cet art caché. Je signe du nom d’EYRÉNÉE PHILALÈTHE, Anglais de naissance, habitant de l’Univers. »
Nous tenons à faire remarquer que « La très Sainte Trinosophie », l’œuvre attribuée à Saint-Germain, est en réalité un récit avoué d’initiation où le candidat descend dans les entrailles volcaniques de la Terre et y passe la nuit.
À l’aube, il sort de sa chambre souterraine en suivant une étoile. Il est libéré de son corps matériel et vole dans l’espace, où il rencontre « le vieil homme du palais ».
Dans le palais, il dort sept jours durant et, quand il s’éveille, sa robe est devenue d’un vert brillant !
Puis, il voit un oiseau avec des ailes de papillon et sait qu’il doit l’attraper. Il lui enfonce alors un clou en « acier » dans les ailes pour le capturer, mais les yeux de l’oiseau papillon deviennent plus brillants.
Enfin, dans un couloir où se tient une très belle femme nue, il frappe le Soleil de son épée.
Ce dernier est réduit en poussière et chacun des atomes de poussière devient un soleil !
Le Grand Œuvre est accompli !
Pour des Artistes, nous serions tentés d’ajouter « VITRIOL » : « Visita Interiora Rectificando invenies Occultum Lapidem », « Explore l’intérieur de la terre. En rectifiant, tu découvriras la pierre cachée. »
Mais aussi, que de nombreux auteurs ont qualifié un de leurs feux secrets du nom d’ACIER, car il est attiré comme un aimant par la Pierre dont il partage la même origine.
Que le nom d’AIMANT a été donné à la Pierre par allégorie car elle attire vers elle (à n’importe quel stade) l’agent secret qui la modifie, la lave, la cuit et la teint.
Que le terme ÉPÉE représente le feu salin des Sages, se comportant comme un morceau d’acier, attiré par un aimant et qui s’unit aux matières premières avec une forte attractivité.
Par extension, l’épée est donc aussi devenue un « glaive » ou un « couteau », mais elle ne coupe pas, elle cuit !
De toute évidence, le comte de Saint-Germain était indépendant et certainement pas un aventurier opportuniste, comme le laisse entendre aujourd’hui Wikipédia !
Mais alors, qui était-il réellement ?
Pour répondre à cette question, nous allons ouvrir une nouvelle porte interdite !
Une des clés de sa véritable identité secrète repose dans l’histoire maçonnique. On dit qu’il aurait conçu la formule maçonnique « Liberté Égalité Fraternité ».
Saint-Germain maîtrisait une technique connue seulement de quelques grands initiés et qui permet de reconstituer son corps après la mort.
Aussi, dans la franc-maçonnerie on le considérait comme l’esprit incarné de Christian Rosenkreutz !
Dans une incarnation préalable, Rosenkreutz / Saint-Germain avait été aussi l’architecte Hiram Abiff, le maître d’œuvre du temple de Salomon !
Le meurtre d’Hiram Abiff avait conduit à la perte du Verbe (voir Ouroboros 9)…
À un certain niveau, le Verbe était un pouvoir de procréation surnaturelle que l’humanité avait exercé avant sa Chute dans la matière ; une partie de la mission de Saint-Germain allait donc être de réintroduire la connaissance du Verbe, à travers la franc-maçonnerie ésotérique !
Mais le plus grand mystère de cet individu concernait une incarnation encore plus ancienne, du temps où les humains n’étaient pas encore entièrement constitués de chair ou juste sur le point de l’être :
Énoch était le premier prophète du dieu Soleil, un homme dont le visage rayonnait tel un soleil !
Énoch
Par sa phrase « Liberté Égalité Fraternité », Saint-Germain désirait en réalité voir venir le temps où l’humanité rejoindrait le dieu Soleil, avec la liberté de pensée et le libre arbitre qu’elle n’avait pas réussi à atteindre lors de sa première incarnation !
Du XVIe au XIXe siècle, l’histoire secrète du monde a été dominée par le travail caché des grands maîtres ascendants, comme Énoch et Élie, mais aussi par la préparation de la venue sur la Terre de l’archange du Soleil (voir Ouroboros 21), et au-delà, d’un être encore plus grand !
Ces hommes préparaient déjà aussi en secret, la Seconde Venue !
Archange du Soleil Saint Michel
À mesure que le XVIIIe siècle progressait, les apparitions de Saint-Germain se firent de plus en plus rares dans les loges, mais grâce à lui, une humeur optimiste, pleine d’espoir, envahit à nouveau les sociétés secrètes !
Ainsi, le philosophe français d’origine écossaise, Andrew Michael Ramsay (1686 – 1743), dit « Le chevalier Ramsay », membre de la Royal Society et qui contribua à la réforme de la Grande Loge de France en 1730 (aujourd’hui le Grand Orient de France), fit à Paris, en 1737, un discours destiné aux nouveaux initiés :
« Le monde entier n’est qu’une grande république, dont chaque nation est une famille, et chaque particulier un enfant […]
Nous voulons réunir des hommes à l’esprit lumineux et à l’humeur agréable, non seulement par l’amour des beaux-arts, mais encore plus par les grands principes de vertu, où l’intérêt de la confraternité devient celui du genre humain entier,
[…] où tous les sujets des différents royaumes peuvent conspirer sans jalousie, vivre sans discorde et se chérir mutuellement sans renoncer à leur patrie […] »
52 ans plus tard, le monde assistera à la Révolution Française !
La monarchie absolue sera remplacée par une monarchie constitutionnelle, puis par la Première République !
La Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, proclamera l’égalité des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, apte à se gouverner au travers de représentants élus !
Après l’établissement des loges mères en Écosse, à Londres et à Paris, le grand événement maçonnique du XVIIIe siècle eut lieu dans les années 1760 : la fondation de l’ordre des Élus Coëns (ou « prêtres élus ») par le mage portugais Joachim Martinès de Pasqually.
Les rituels des Élus Coëns, mis au point par Martinès de Pasqually, duraient parfois six heures et comprenaient la fumigation d’un encens à base d’hallucinogènes et de spores du champignon appelé « amanite tue-mouches ».
Leur doctrine se présentait comme la clé de toute théosophie judéo-chrétienne, étant directement reliée aux enseignements secrets d’Égypte, de Grèce et d’Orient.
En France, l’illuministe Louis-Claude de Saint-Martin (1743 – 1803), dit « le philosophe inconnu », qui fut admis dès 1765 dans « l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers », enseignait que chaque homme était un roi !
Il préférait mettre l’accent sur les pratiques internes de méditation plutôt que sur les cérémonials. La philosophie martiniste, fortement influencée par les écrits de Böhme, est restée jusqu’à aujourd’hui très influente dans la franc-maçonnerie française.
Saint-Martin vécut à Paris au temps de la Terreur et initiait par l’imposition mystique des mains. Ses disciples vivaient dans une telle peur, qu’ils continuaient à porter des masques pendant leurs réunions, afin de ne pas révéler leur identité, même entre eux !
Louis-Claude de Saint-Martin
Plus tard, dans les rituels de Stanislas de Guaita (1861 – 1897), le cofondateur de l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix, on ôtait un bandeau des yeux du candidat qui se retrouvait alors parfois face à des hommes portant des masques et des coiffes égyptiens et qui pointaient silencieusement leurs épées sur sa poitrine…
Stanislas de Guaita
Dans la franc-maçonnerie, on prétendait que Voltaire, célèbre pour ses attaques contre le clergé, haïssait profondément la religion en tant qu’institution !
Quand il fut initié par Benjamin Franklin, on lui fit embrasser un tablier appartenant au célèbre alchimiste suisse Helvétius !
Les francs-maçons considéraient Voltaire comme l’homme qui détenait les « Clés » ouvrant les portes d’une autre réalité et qui offraient d’incroyables perspectives !
Voltaire (1694 - 1778)
Benjamin Franklin (1706 - 1790)
Pour être plus clairs, nous pouvons seulement dire que la réalité cachée derrière les rêves doit être cherchée dans l’esprit même des rêves et que par des pratiques « condamnées » ou certains arts « interdits » on peut accéder, dans une certaine mesure, à la pleine Connaissance !
Mais ces pratiques peuvent aussi conduire à la déraison ou inciter à exercer un excès de pouvoir, comme nous le verrons dans notre prochain chapitre (Ouroboros 23)…
Pour finir, partons à la rencontre du dernier personnage…
Cet énigmatique aventurier italien fut souvent affilié au comte de Saint-Germain, mais restera dans l’histoire, comme un imposteur ou le plus controversé et le plus décrié de tous les « initiés » qui vécurent au XVIIIe siècle !
Cagliostro
Giuseppe Balsamo (Joseph Balsamo), dit Alessandro, comte de Cagliostro, naquit le 2 juin 1743 dans le réduit d’un modeste garde-magasin, près de l’église du Gesù à Palerme (Italie).
Ses parents, Pietro Balsamo et Felicita Bracconieri étaient d’origine juive. À l’âge de douze ans, il entra dans un séminaire et prit l’habit des frères de la Miséricorde où il devint infirmier et médecin.
Cependant, après avoir été chassé de cette communauté pour indélicatesses et escroqueries, il fut obligé de fuir sa patrie natale et parcourut sous différents noms (Comte Pellegrini, Mélissa, Fenice, Hérat ou encore chevalier de la Sainte Croix) la Grèce, l’Égypte, l’Arabie, la Perse, l’île de Malte et presque toutes les grandes villes d’Europe.
Joseph Balsamo Cagliostro (1743 - 1795)
Il avait acquis au cours de ses voyages de nombreuses de connaissances et prodiguait des cures « merveilleuses » qui le rendirent célèbre !
Arrivé en France en 1780, il s’installa à Strasbourg, puis à Paris où il fut reçu avec le même enthousiasme !
Il se présentait à la société aristocratique comme thaumaturge et initié, sous le patronage du cardinal de Rohan, prince-évêque de Strasbourg et grand aumônier de France !
Cagliostro prétendait aussi être un disciple du comte de Saint-Germain et disait posséder une eau de jouvence extraordinaire (sérum de perpétuelle jeunesse).
Il vendait alors très chers, des élixirs, des pilules, pratiquait la magie et affirmait avoir le pouvoir de faire apparaître les morts.
Son prodigieux succès s’expliquait en partie par sa personnalité hors du commun, son charme hypnotique, mais surtout parce qu’il avait derrière lui, une demi-douzaine de gentilshommes qui spéculaient sur les effets que ses pouvoirs produiraient sur une société aristocratique fortunée et blasée !
De plus, Cagliostro n’hésitait pas à se servir de sa jeune et jolie compagne, Séraphita, comme d’un appât !
Cependant, en 1785, sa carrière de guérisseur mondain s’arrêta brusquement à cause d’une des plus célèbres escroqueries de l’histoire de France !
L’Affaire du Collier de la Reine
L’affaire du collier de la reine est une escroquerie qui eut pour victime, en 1785, le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, et qui éclaboussa profondément la réputation de la reine Marie-Antoinette.
En 1772, Louis XV commanda un présent pour Madame du Barry. Il demanda aux joailliers parisiens Bœhmer et Bassange de créer un collier de diamant inégalable !
Mais Louis XV mourut et les bijoutiers se trouvèrent avec le bijou sur les bras. Ils espéraient alors le vendre à Louis XVI pour Marie-Antoinette.
En 1778, Louis XVI offrit le collier en cadeau, mais Marie-Antoinette refusa de le porter car il avait été conçu pour une autre femme !
Louis XV (1710 - 1774)
Jeanne Bécu, Comtesse du Barry « Madame du Barry » (1743 - 1793)
En réalité, la reine et le cardinal de Rohan avaient un vieux contentieux !
En 1773, le cardinal, qui était alors ambassadeur de France à Vienne, s’était aperçu que l’Impératrice Marie-Thérèse, la mère de Marie-Antoinette, jouait un double jeu et préparait en sous-main le démantèlement de la Pologne, de concert avec la Prusse et la Russie.
Il avait écrit une lettre à Louis XV pour l’en avertir, lettre qui avait été détournée par le duc d’Aiguillon, ministre des Affaires Étrangères, qui l’avait remise à la comtesse du Barry, favorite de Louis XV, détestée par Marie-Antoinette.
La comtesse l’avait lue publiquement dans un dîner, et le ton de cette lettre était si ironique et tellement irrespectueux envers l’impératrice, qu’on prêta à Marie-Antoinette, un caractère volage !
Depuis cet épisode regrettable, la reine, fidèle à la mémoire de sa mère, était en froid avec le cardinal, qui se désespérait de cette hostilité.
Louis-René Édouard, prince de Rohan, cardinal-évêque de Strasbourg (1734 - 1803)
Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine (1755 - 1793)
Ayant grand besoin d’argent, la comtesse de la Motte fit alors espérer au cardinal un retour en grâce et commença par lui soutirer 60 000 livres (en deux versements), en échange de fausses lettres de la reine, annonçant leur réconciliation.
En parallèle, le comte de la Motte avait découvert par l’entremise de Cagliostro qu’une prostituée, nommée Nicole Leguay, présentait une ressemblance troublante avec Marie-Antoinette.
Il l’introduisit alors au Palais-Royal, sous le nom de Mlle d’Essigny, baronne d’Oliva !
Flairant le bon coup, la comtesse de la Motte finit par la convaincre, contre une somme de 15 000 livres, de jouer le rôle de la reine pour duper le cardinal !
Jeanne de Valois-Saint-Rémy, comtesse de la Motte (1756 - 1791)
Misant sur la passion de la reine pour les bijoux, la comtesse de la Motte entreprit le plus grand coup de sa vie, en escroquant cette fois le cardinal d’une somme de 1,6 millions de livres (équivalant pour l’époque à trois châteaux entourés chacun de 500 ha de terres).
Le 28 décembre 1784, en disant être une amie intime de la reine, elle alla rencontrer les joailliers Bœhmer et Bassange pour voir le fameux collier de 2 840 carats, qu’avait refusé Marie-Antoinette.
Afin d’entrer en sa possession, elle déclara aux joailliers qu’elle allait, par le biais d’un prête-nom, intervenir pour convaincre la reine d’acheter le bijou.
De fait, le cardinal de Rohan reçut en janvier 1785, une nouvelle lettre, toujours signée « Marie-Antoinette de France », dans laquelle la reine lui demandait de servir d’entremetteur, s’engageant par contrat à le rembourser en quatre versements de 400 000 livres !
Le collier de la reine
Cagliostro, alors complice de la comtesse de la Motte, avait fait annoncer au cardinal par l’intermédiaire d’un enfant médium, un oracle dévoilant un dénouement des plus fabuleuses dans cette affaire !
Immédiatement en possession du collier, les escrocs commencèrent par le dessertir puis revendirent les pierres. Mais des diamantaires juifs soupçonnant le fruit d’un vol, dénoncèrent le vendeur, Rétaux de Villette, un soldat gigolo au service des escrocs.
Le comte de la Motte partit aussi de son côté proposer les plus beaux diamants à deux bijoutiers anglais de Londres. Ceux-ci, pour les mêmes raisons que leurs collègues juifs, flairèrent le coup fourré et envoyèrent un émissaire à Paris : mais aucun vol de bijoux de cette valeur n’étant connu, ils les achetèrent, rassurés !
Cagliostro
À l’approche de la première échéance de la reine (400 000 livres), le cardinal s’étonna en constatant que Marie-Antoinette ne portait toujours pas le fameux collier !
Sans se dégonfler, la comtesse de la Motte lui annonça que la reine aurait beaucoup de mal à rembourser et qu’il devait lui trouver des prêteurs pour retrouver son argent !
La comtesse, sentant le vent tourner, s’arrangea alors pour faire parvenir au cardinal un premier versement de 35 000 livres, grâce aux 300 000 livres qu’elle avait déjà acquis en vendant quelques pierres du collier.
Elle informa les joailliers que la prétendue signature de la reine était un faux, afin de faire peur au cardinal de Rohan et de l’obliger à régler lui-même la facture, par crainte du scandale !
Cependant, l’affaire remonta jusqu’aux oreilles de Louis XVI et le 15 août, le cardinal fut arrêté dans la Galerie des Glaces, au milieu des courtisans médusés !
Sommé de s’expliquer, le prélat dénonça alors toute l’affaire…
Le 22 mai 1786, le procès public s’ouvrit donc devant les 64 magistrats de la Tournelle et la Grand-chambre du Parlement présidée par le marquis Étienne François d’Aligre.
Le 30 mai 1786, le parlement rendit son verdict :
Le cardinal fut acquitté à 26 voix contre 23, aussi bien pour escroquerie que pour crime de lèse-majesté envers la reine !
Cependant, Marie-Antoinette, au comble de l’humiliation, obtiendra du roi l’exil du cardinal de Rohan à l’abbaye de la Chaise-Dieu. Il devra alors attendre jusqu’au 17 mars 1788, pour que le roi l’autorise à retrouver son diocèse de Strasbourg.
La comtesse de la Motte fut condamnée à la prison à perpétuité après avoir été fouettée et marquée au fer rouge sur les deux épaules du « V » de « voleuse », puis fut emprisonnée à la Bastille, ainsi que Cagliostro !
La Bastille
Son mari, le comte de la Motte fut condamné aux galères à perpétuité par contumace, car il était déjà en fuite avec les derniers diamants.
Rétaux de Villette, qui vivait en Suisse, dut aussi s’exiler en Italie, pour éviter le courroux du roi !
Le résultat de cette affaire fut alors parfaitement résumé par l’exclamation d’un magistrat du Parlement de Paris, au lendemain du verdict :
« Un cardinal escroc, la reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de liberté ! »
Autant dire que pour la franc-maçonnerie, cette affaire était du pain béni !
Après son incarcération à la Bastille, Cagliostro, fortement soutenu par le conseiller au Parlement Jean-Jacques Duval d’Eprémesnil et défendu par le brillant avocat Jean-Charles Thilorier, sera finalement expulsé de France, en 1786.
Pour les gueux, Cagliostro était un saint. Il avait accompli des miracles de guérison parmi le peuple de Paris, qui était incapable de se payer un médecin, ce qui lui valut un statut de héros !
À sa sortie de la Bastille, huit mille personnes étaient là pour l’accueillir !
Jean-Jacques Duval d'Eprémesnil (1745 - 1794)
Il se retira alors en Angleterre, puis en Suisse et enfin en Italie où il sera arrêté par la Sainte Inquisition en 1789, pour hérésie et pratique de la franc-maçonnerie !
Condamné à la peine de mort, puis finalement à la prison à vie, Cagliostro sera transféré « sans espoir de grâce et sous étroite surveillance » le 20 avril 1791, à la forteresse de San Leo.
Il y restera jusqu’à sa mort, survenue dans la nuit du 26 au 27 août 1795.
Il fut d’abord installé dans la « cellule du trésor » la plus sûre, mais aussi la plus dégradée et la plus humide de la forteresse.
Cependant, il sera ensuite « emmuré » vivant dans la cellule « il pozzetto » jugée encore plus sûre ; une sorte de puits où il pouvait être surveillé !
En prison, Cagliostro fit la grève de la faim et perdit connaissance, le 26 août 1795, à la suite d’une crise d’apoplexie.
Un garde le découvrit alors inanimé mais les médecins et les curés présents ne réussissent pas à le sauver. Il mourut dans la nuit !
Officiellement, il fut enseveli le 28 août 1795 à 23 heures à la pointe extrême du mont de San Leo, vers l’occident, à mi-chemin entre les 2 édifices destinés aux sentinelles « Palazzetto » et « Casino ».
Sa femme Séraphita était déjà morte une année avant, au couvent de Sant’ Apollonia à Rome…
On n’a jamais retrouvé la sépulture de Cagliostro. Cependant, un fait particulier s’est produit en 1797, lors de la prise de la Rocca de San Leo par un contingent polonais sous les ordres du général Jean-Henri Dombrowski.
Le général remit les prisonniers restants en liberté. Ceux-ci, accompagnés par divers soldats, déterrèrent les restes de Cagliostro et prirent son crâne pour y trinquer à la liberté retrouvée !
Ce macabre fait fut rapporté par un témoin oculaire, Mr Marco Perazzoni, décédé en 1882, à l’âge de 96 ans, au prélat Oreglia di S. Stefano :
« Quand le comte mourut, j’avais 7 ans. Je me souviens très bien de son enterrement. Son corps, habillé, déposé sur un battant de porte en bois, fut transporté à épaule par quatre hommes, lesquels, une fois sortis de la forteresse, descendirent vers l’esplanade.
Ceux-ci étaient fatigués et transpiraient beaucoup (c’était le mois d’août).
Afin de se reposer, ils posèrent la dépouille sur le parapet d’un petit puits qui existe encore, et ils allèrent boire un verre de vin.
Ensuite ils récupérèrent le cadavre et le conduisirent au lieu de la sépulture. Moi, tenu par la main par un de ma parenté, je suivais le triste et misérable convoi. Comme il n’y avait aucun curé, ce convoi avait un aspect diabolique.
À sa vue, les rares passants s’enfuyaient en faisant le signe de croix. Une fois la fosse creusée, le cadavre fut descendu au fond. Sous sa tête, ils mirent un gros caillou, sur son visage un vieux mouchoir, ensuite ils couvrirent de terre.
Quelques années après, arrivèrent les Polonais qui prirent la forteresse.
Ceux-ci remirent en liberté les condamnés qui, aidés par des soldats, se mirent à creuser la sépulture, s’emparèrent du crâne de Cagliostro et y burent du vin, ceci dans les cantines du comte Nardini de San Leo… »
Qui était réellement Cagliostro ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Cagliostro n’avait rien d’un imposteur, mais il faut savoir que les charlatans étaient monnaie courante au XVIIIe siècle et exerçaient leurs méfaits dans un parfait cynisme !
Certains initiés développèrent donc une nouvelle manière de se montrer aux yeux du monde…
Les enseignants ésotériques savaient depuis toujours que leur sagesse semblait « idiote » aux non-initiés, pour la simple raison qu’ils se concentraient sur la nature paradoxale et donc trompeuse du cosmos…
Aussi, certains d’entre eux se présentaient sous l’apparence de filous et d’illusionnistes, afin de passer inaperçus !
Avant l’affaire du collier, on proposa à Cagliostro un débat intellectuel avec Antoine Court de Gébelin (1719 – 1784), ami de Benjamin Franklin, expert renommé en philosophie ésotérique et alors censeur royal de Paris.
Ce dernier admit rapidement qu’il était confronté à un redoutable adversaire, dont l’intelligence surpassait largement la sienne !
Lors du procès « du collier », Cagliostro déclara devant le Parlement français :
« Je ne suis d’aucune époque ni d’aucun lieu ; en dehors du temps et de l’espace, mon être spirituel vit son éternelle existence et, si je plonge dans ma pensée en remontant le cours des âges, si j’étends mon esprit vers un mode d’existence éloigné de celui que vous percevez, je deviens celui que je désire…
Je ne suis pas né de la chair, ni de la volonté de l’homme ; je suis né de l’esprit.
Mon nom, celui qui est à moi et de moi, celui que j’ai choisi pour paraître au milieu de vous voilà celui que je réclame. Celui dont on m’appela à ma naissance, ceux qu’on m’a donné dans ma jeunesse ; ceux sous lesquels, en d’autres temps et lieux, je fus connu, je les ai laissés, comme j’aurais laissé des vêtements démodés et désormais inutiles.
Me voici : je suis Noble et Voyageur ; je parle, et votre âme frémit en reconnaissant d’anciennes paroles ; une voix, qui est en vous, et qui s’était tue depuis bien longtemps, répond à l’appel de la mienne ; j’agis, et la paix revient en vos cœurs, la santé dans vos corps, l’espoir et le courage dans vos âmes.
Tous les hommes sont mes frères ; tous les pays me sont chers ; je les parcours pour que, partout, l’Esprit puisse descendre et trouver un chemin vers vous.
Je ne demande aux rois, dont je respecte la puissance, que l’hospitalité sur leurs terres, et, lorsqu’elle m’est accordée, je passe, faisant autour de moi le plus de bien possible ; mais je ne fais que passer.
Suis-je un Noble Voyageur ?
Comme le vent du Sud, comme l’éclatante lumière du Midi qui caractérise la pleine connaissance des choses et la communion active avec Dieu, je viens vers le Nord, vers la brume et le froid, abandonnant partout à mon passage quelques parcelles de moi, me dépensant, me diminuant à chaque station, mais vous laissant un peu de clarté, un peu de chaleur, un peu de force, jusqu’à ce que je sois enfin arrêté et fixé définitivement au terme de ma carrière, à l’heure où la rose fleurira sur la croix.
Je suis Cagliostro. Pourquoi vous faut-il quelque chose de plus ?
Si vous étiez des enfants de Dieu, si votre âme n’était pas si vaine et si curieuse, vous auriez déjà compris !
[…] Un jour après combien de voyages et d’années le Ciel exauça mes efforts : il se souvint de son serviteur et, revêtu d’habits nuptiaux, j’eus la grâce d’être admis, comme Moïse, devant l’Éternel.
Dès lors je reçus, avec un nom nouveau, une mission unique. Libre et maître de la vie, je ne songeais plus qu’à l’employer pour l’œuvre de Dieu. Je savais qu’il confirmerait mes actes et mes paroles, comme je confirmerai son nom et son royaume sur la Terre.
Il y a des êtres qui n’ont plus d’anges gardiens ; je fus de ceux-là. »
En réalité, Cagliostro était bien plus qu’un simple initié…
En 1782, il fonda le rituel de la maçonnerie égyptienne (de Misraïm) qui allait fortement influencer les loges françaises et américaines !
Comme il arrive parfois aux plus hauts gradés de la franc-maçonnerie, Cagliostro avait développé le don de prophétie. Dans cette lettre, datée du 20 juin 1786, il annonça que la Bastille serait complètement détruite et il avait, dit-on, même prédit la date exacte de cet événement : le 14 juillet 1789.
Date qu’il avait inscrite sur les murs de la cellule où il mourut en 1795 !
Comme John Dee, qui avait tenté de ramener un peu de vraie spiritualité dans l’Église par la pratique de cérémonies magiques, on peut dire que Martinès de Pasqually et Cagliostro firent de même dans la franc-maçonnerie !
Mais alors, quelle faute avait commise Cagliostro pour avoir une fin aussi peu glorieuse ?
Comme pour Voltaire, l’homme à qui Cagliostro vouait une véritable admiration était le Comte de Saint-Germain. Voici le récit qu’il fit d’une de leur rencontre :
En 1785, à la suite de l’invitation du comte de Saint-Germain, Cagliostro et Séraphita arrivèrent dans un château rhénan, à 2 heures du matin…
Une fois le pont-levis baissé, ils le traversèrent pour se retrouver dans une petite pièce obscure. Soudain, comme par magie, de grandes portes s’ouvrirent, révélant un vaste temple scintillant de milliers de bougies.
Au centre était assis le comte de Saint-Germain. Il portait plusieurs bagues en diamants et sur sa poitrine, un emblème paré de bijoux qui semblait refléter la lumière des bougies rayonnant sur Cagliostro et Séraphita.
De chaque côté du comte étaient assis deux de ses acolytes qui tenaient des bols d’où fumait de l’encens et, comme Cagliostro entrait, une voix désincarnée, qu’il prit pour celle du comte alors que ses lèvres ne bougeaient pas, commença à résonner dans le temple :
« Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Que veux-tu ? »
Bien évidemment, le comte savait parfaitement qui était Cagliostro, puisque la visite avait été arrangée !
Aussi, lui demandait-il sans doute autre chose, comme : ses incarnations précédentes, ses démons, ou encore ses intentions profondes !
Cagliostro se jeta aux pieds du comte et dit :
« Je suis venu invoquer le dieu des Fidèles, le fils de la Nature, le père de la Vérité. Je suis venu demander un des quatorze mille sept cents secrets qu’il porte en son sein. Je suis venu me livrer à lui comme esclave, comme apôtre, comme martyr. »
Par la suite le comte accepta d’initier Cagliostro aux mystères des Templiers et lui permit même de faire une expérience de décorporation en le faisant voler sur une mer de bronze fondu, pour explorer les hiérarchies célestes…
En réalité, quand Saint-Germain emmena Cagliostro faire le tour des Cieux, tous deux firent le même voyage que celui décrit dans le Livre d’Énoch !
Livre d'Énoch
Nous faisons remarquer que David, le premier roi d’Israël en 1004 av. J.-C., jeta les fondations du temple de Jérusalem, mais mourut avant de pouvoir le construire, laissant cette tâche à son fils Salomon qui fut lui aussi, sacré roi de Jérusalem en 971 av. J.-C. à la fin de l’Âge de bronze.
Il semble que la particularité la plus extraordinaire du temple ait été une mer d’airain ou, d’après le Coran, une fontaine de cuivre en fusion…
(Voir Ouroboros 9)
Comme certains initiés qui accèdent à des pouvoirs « surnaturels », Cagliostro avait succombé à la tentation !
Chez les Sages, certaines « règles » sont immuables et il faut savoir que depuis que « Prospero » avait brisé sa baguette magique, le héros de « La Tempête » de William Shakespeare, il fut interdit aux initiés d’utiliser leurs pouvoirs magiques, excepté dans des circonstances exceptionnelles !
Aujourd’hui, à l’ère de la déraison, quatre siècles après la mort de Shakespeare, la cause de cette règle est ignorée de la plupart des francs-maçons spéculatifs, aussi nous la rappelons :
Quand un magicien « blanc » utilise ses pouvoirs occultes, une quantité équivalente de pouvoir est rendue accessible à un magicien « noir » !
Il n’est de pire sacrilège que celui de briser la Promesse et la Règle des Sages ; tout initié qui oserait les braver prendrait le risque d’encourir leur anathème !
Cagliostro en fit l’amère expérience et finit sa vie dans un cachot entre les mains de l’inquisition…
Dans une certaine mesure, on peut dire que la mort de Cagliostro marqua aussi symboliquement le début du déclin de la période romantique !
Ce mouvement se diffusa à travers toute l’Europe jusqu’au milieu du XIXe siècle (aux alentours de l’année 1850).
Mais alors, que s’est-il passé ?
Comment cet élan de liberté a-t-il pu se solder par un tel abus de pouvoir ?
Joseph Balsamo Cagliostro
Pour comprendre l’origine de cette catastrophe, il faut remonter au moment où les partisans du matérialisme ont commencé à infiltrer les sociétés secrètes.
Le chevalier Ramsay avait expressément interdit les discussions politiques dans les loges qu’il avait fondées en 1730, mais la franc-maçonnerie avait de l’emprise sur les dirigeants de l’Europe !
De toute évidence, pour tous ceux qui recherchaient le pouvoir politique, la franc-maçonnerie avait désormais quelque chose de très tentant…
L’histoire d’Adam Weishaupt et des « illuminés de Bavière » ou « illuminati », connus à l’origine sous le nom de « Cercle des perfectibilistes » fut alors un des épisodes les plus sombres de l’histoire secrète et a terni considérablement la réputation de l’ensemble des centres initiatiques !
C’est ce que nous vous inviterons à découvrir dans notre prochain chapitre…
Nous y dévoilerons aussi les dessous occultes de la Révolution française et partirons à la rencontre d’une étoile nommée Napoléon Bonaparte.
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