L’Âge de la Déraison

Cantique de David – Psaume 23 :

« L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien. Il me fait reposer dans de verts pâturages, il me dirige près des eaux paisibles. Il restaure mon âme, il me conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom.

Quand je marche dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ta houlette et ton bâton me rassurent. Tu dresses devant moi une table, en face de mes adversaires ; tu oins d’huile ma tête, et ma coupe déborde.

Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de l’Éternel, jusqu’à la fin de mes jours. »

Contrairement au célèbre psaume 23 de l’Ancien Testament qui décrit Dieu comme un Berger, nourrissant et menant son troupeau jusqu’à la maison céleste, le 23e opus d’Ouroboros nous conduira loin des verts pâturages !

Dans le 22e opus, nous avions vu que le mouvement romantique était né du plaisir de s’exprimer et du plaisir animal de se sentir vivant au sein de la nature, mais à la fin du XVIIIe siècle, le plaisir avait laissé place à l’inquiétude.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, cette inquiétude allait se renforcer davantage et engendrer la grande crise spirituelle tant redoutée par les sociétés secrètes au XVIIe siècle !

Dans l’histoire matérialiste, cette crise s’expliqua par l’aliénation de l’esprit humain, mais dans l’histoire occulte, elle fut provoquée par les esprits ou plus exactement par des démons !

Le plus grand philosophe idéaliste allemand, Hegel, dira à ce propos : « L’esprit nous trompe, l’esprit complote, l’esprit nous ment et l’esprit triomphe ! »

Comme le pressentait déjà Emanuel Swedenborg, l’humanité allait bientôt devoir assumer le démoniaque qui habitait le monde et qui l’habitait désormais elle-même !

En France, le 14 juillet 1789, un peuple en colère prit la Bastille et fit tomber l’une des plus grandes monarchies.

En janvier 1793, Louis XVI fut guillotiné !

Sur l’échafaud, quand il voulut parler à la foule, un roulement de tambour l’interrompit et on l’entendit à peine dire :

« Je meurs innocent des crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort, et je prie Dieu que le sang que vous allez verser ne retombera pas sur la France ! »

Par cet acte, cette nation, la plus civilisée au monde à cette époque, ouvrit la porte à l’impensable !

Juste après l’exécution du roi, un homme monta sur l’échafaud et s’écria : « Jacques de Molay, tu es vengé ! »

Louis XVI (1754 - 1793)

Exécution de Louis XVI

Jacques de Molay, le dernier grand maître des Templiers qui périt sur le bûcher, à Paris, le 13 mars 1314, s’était lui aussi écrié :

« Pape Clément ! Chevalier Guillaume ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! »

Dans l’anarchie qui succéda à la mort de Louis XVI, la France se trouva menacée de l’intérieur comme de l’extérieur et les maîtres des loges franc-maçonnes prirent le pouvoir sur le peuple !

Ainsi commença le régime de la Terreur, mais curieusement, sur la totalité approximative des 2 750 exécutions publiques qui eurent lieu, seulement 650 touchaient des aristocrates !

Jacques de Molay (1240 - 1314)

La force directrice du régime de la Terreur était l’avocat Maximilien de Robespierre, l’homme le plus austère et le plus incorruptible de Paris !

Il répandit le sang par devoir sinistre pour protéger les droits des citoyens et leurs propriétés.

D’un point de vue rationnel, on peut dire qu’il agissait pour le bien commun. Mais d’un autre côté, comment un homme si éclairé pouvait justifier autant de crimes en dehors de l’aristocratie ?

En 1789, il y avait déjà en France plus de 70 000 francs-maçons et près de 300 loges, dont 65 à Paris.

Maximilien de Robespierre (1758 - 1794)

Le but originel de la franc-maçonnerie avait été d’imprégner l’humanité de l’espoir et de la volonté de changement pour sauvegarder la spiritualité lors de la transition vers le matérialisme.

L’instauration du régime de la Terreur laisse donc à penser qu’un événement imprévu avait enrayé le grand rêve maçonnique !

Quel était cet événement ?

Pour le comprendre, remontons quelques millénaires plus tôt…

 

La Chevalerie

L’homme a domestiqué le cheval il y a fort longtemps et le grand artisan de cette avancée majeure pour l’humanité fut, du point de vue mythologique, la grande déesse grecque Athéna, l’archétype de la Sagesse.

C’est elle qui, d’après la légende, permit l’invention des mors grâce auxquels l’homme put imposer sa volonté à l’animal. Ensuite, grâce à l’invention du collier, il utilisa le cheval comme monture, animal de bât puis de trait.

Mais l’invention du collier fut aussi un facteur de progrès déterminant qui permit à l’humanité de développer l’agriculture et les transports.

D’une certaine manière, on peut dire que l’humanité a progressé grâce à l’intelligence qu’elle exerçait sur « la bouche » de l’animal.

D’où, par la suite, l’idée que l’homme pouvait évoluer et dompter son animalité par la maîtrise de sa « bouche » ou la connaissance du « Verbe ».

Le cheval fut alors rapidement utilisé pour la guerre, le char de combat fit son apparition en Mésopotamie à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. et la cavalerie se développa à partir de l’Asie.

Mais à l’époque des Hittites, des Assyriens, des Égyptiens ou des Grecs et des Romains, l’infanterie constituait encore l’essentiel des troupes et les cavaliers n’exerçaient aucune prédominance.

L’invention du fer à cheval allait pourtant changer la donne, car il permettait aux sabots de s’user moins rapidement et donc de parcourir de plus grandes distances…

Provenant lui aussi d’Asie, le fer à cheval gagna l’Europe centrale et les Germains puis la Gaulle. Les invasions germaniques scellèrent alors définitivement la prééminence de la cavalerie sur l’infanterie !

Avec le temps, l’armement s’alourdit et vers le Xe siècle ap. J.-C., on vit apparaître des chevaliers avec heaume, haubert, écu et lance, chargeant sur leurs chevaux caparaçonnés et prêts pour les croisades en Terre Sainte !

Ce type de combat consacra alors la supériorité militaire des grands propriétaires fonciers, qui seuls pouvaient acheter et entretenir équipements et chevaux. Il permit du même coup, la formation de l’aristocratie foncière et du système féodal (puissance et position sociale).

Il y eut tout d’abord une quasi-identité entre la chevalerie et la noblesse, toutes deux fondées sur la richesse foncière, mais petit à petit, on fit une distinction entre le cavalier qui montait à cheval et celui qui faisait uniquement partie d’une classe sociale.

Armement du chevalier

Du XIe au XIIe siècle, de nouveaux riches issus de la ville et du commerce voulaient vivre « noblement », c’est-à-dire sans travailler et accéder aux classes supérieures !

La société médiévale était alors organisée selon trois ordres bien distincts :

  • Le clergé qui était chargé de conduire les hommes vers Dieu,
  • La noblesse, chargée de la sécurité, de l’ordre et de la paix,
  • Le tiers-état, chargé de subvenir aux autres besoins de la société et qui assurait la production, le commerce et les finances.

Au sommet de la société se tenait le Roi qui assurait la cohésion de l’ensemble. Par l’onction, il se rattachait à David et à Salomon et ses chevaliers armés avaient une fonction médiatrice, aussi bien temporelle que spirituelle.

Parmi ces derniers, on pouvait alors distinguer :

  • Les chevaliers fieffés qui possédaient des terres mais avaient subi des épreuves et prouvé leurs valeurs et leurs vertus morales,
  • Les chevaliers errants qui parcouraient le monde pour défendre les faibles et les opprimés,
  • Les chevaliers moines, faisant partie d’un ordre spirituel et qui prononçaient des vœux plus ou moins monastiques.

Ces derniers appartenaient à des ordres dont les plus célèbres étaient :

  • L’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ du Temple de Jérusalem, ou « Templiers ».
  • L’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, rival du premier mais qui recueillit son héritage après la dissolution des Templiers. Après les croisades, il transféra son siège à Rhodes, puis à Malte.
  • L’Ordre des Hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, dans lequel sera admis au XVIIIe siècle, le franc-maçon Andrew Michael Ramsay, dit « le Chevalier Ramsay » (voir Ouroboros 22).
  • L’Ordre de Notre-Dame des Teutoniques.
  • L’Ordre des Chevaliers du Saint-Sépulcre.

À l’origine, l’initiation chevaleresque était conférée à l’issue d’une longue préparation :

Vers l’âge de 7 ans, le jeune noble quittait la compagnie des femmes et devenait successivement page, valet et damoiseau chez un seigneur voisin. Il y assurait le service quotidien du seigneur et de sa Dame.

Il y apprenait aussi l’obéissance, l’humilité, l’amour de Dieu et les règles de la courtoisie.

Vers 14 ans, il devenait écuyer à la suite d’une importante cérémonie qui confirmait sa vocation chevaleresque et recevait ses armes préalablement bénies.

Il devenait alors le compagnon et le protecteur de son maître à la chasse, au tournoi et à la guerre !

Vers 21 ans, l’écuyer dont les qualités physiques et morales étaient reconnues, était armé chevalier par le chef de clan (suzerain ou autre chevalier) et devenait « homme ».

La phase préparatoire de cette ultime cérémonie passait par une phase de jeûne, une veillée d’arme dans une chapelle isolée, sa confession et un bain purificateur, vêtu d’une tunique blanche.

Le jour de la cérémonie de l’adoubement, il devait écouter la messe à genoux et communier. Ses armes étaient bénies avant de lui être remises, puis il recevait un coup du plat de l’épée sur la nuque, appelé la « colée ».

Il était ainsi fait « Chevalier », recevait l’accolade et un complément d’armement, comme une lance et un écu portant ses couleurs.

Adoubement

Cette cérémonie possédait une véritable valeur religieuse et le chevalier consacré, en vouant sa vie à Dieu, accédait à un état intermédiaire entre celui de l’homme ordinaire et du prêtre.

Au niveau purement initiatique, il devait être purifié en revenant à un état virginal (bain purificateur et port d’une tunique blanche), puis ouvrir un passage pour l’esprit entre le ciel et la terre (la colée).

Le cou étant l’intermédiaire entre la tête et le corps, il était alors frappé pour libérer symboliquement ce passage et mettre en communication la force qui exécute et l’esprit qui guide. Comme dans toute voie initiatique, la voie chevaleresque, dite « héroïque », aidait le chevalier à trouver sa place dans l’univers, qui il était, comment il se situait vis-à-vis de l’autre et quel était le sens de sa vie !

Au prix d’un incessant combat contre lui-même, il devait acquérir les qualités et les quatre vertus de l’homme noble accompli : l’honneur, la fidélité, la prouesse et la courtoisie.

Dans la chevalerie, « la Dame » représentait aussi symboliquement la partie intérieure de l’homme, son inconscient qu’il tentait de connaître ; son « anima » au sens junguien.

Le combat chevaleresque était donc double, comme les 2 tranchants de l’épée qui représentaient le combat extérieur et intérieur.

Mais l’épée symbolisait aussi les deux formes d’un même combat, car l’adversaire extérieur était une incarnation de l’adversaire qui existait aussi à l’intérieur de chaque chevalier !

C’est cette même notion qui s’appelle dans l’islam, « le djihad » et qui avec le temps a été détourné pour devenir principalement aujourd’hui, le symbole de la guerre sainte contre les infidèles (celui que le prophète Mouhamad appelait le Djihad mineur).

À l’inverse, Mouhamad parlait aussi d’un « Djihad majeur », appelé « l’ijtihad » et qui, lui, supposait d’accomplir des efforts intenses sur soi-même !

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’esprit sacré de la chevalerie n’était malheureusement plus qu’un lointain souvenir !

La noblesse dite « d’épée » ne tirait plus celle-ci pour combattre dans les règles de l’honneur, mais la portait plutôt comme un signe distinctif et ne participait à la guerre que par les compagnies et les régiments qu’elle finançait !

Avant de réapparaître à l’époque romantique, l’esprit chevaleresque était tombé en désuétude, mais grâce au chevalier Ramsay, il fut réanimé et introduit en maçonnerie !

La voie chevaleresque était une authentique branche porteuse de l’ancienne tradition, mais à partir du XVIIIe siècle, les francs-maçons créèrent d’innombrables grades chevaleresques, plus ou moins justifiés !

La faute était en partie liée à l’instauration d’un nouvel ordre occulte qui fit main basse sur la franc-maçonnerie.

L’histoire des illuminés de Bavière fut alors l’un des épisodes les plus sombres des sociétés secrètes et en a terni considérablement la réputation…

Partons maintenant à la rencontre de son fondateur !

 

Adam Weishaupt

Adam Weishaupt naquit le 6 février 1748 à Ingolstadt, en Allemagne.

Orphelin de père à l’âge de cinq ans, il fut élevé par le baron Johann Adam von Ickstatt (1702 – 1776) qui l’envoya au collège des Jésuites d’Ingolstadt en 1755.

Il devint alors rapidement un élève brillant et montrait un goût prononcé pour les auteurs classiques. Mais par la suite, Adam récusera la vision de certains d’entre eux, comme Cicéron, telle qu’elle était véhiculée par les Jésuites !

À l’âge de quinze ans, il fit des études académiques (jurisprudence, science politique, histoire et philosophie) et le directeur de l’université d’Ingolstadt lui permit alors de consulter des livres interdits par la censure théologique.

Adam Weishaupt (1748 - 1830)

Il y découvrit les philosophes français des Lumières…

À 20 ans, Weishaupt obtint son diplôme de docteur en droit.

À 27 ans, il deviendra professeur « extraordinaire », puis à 28 ans, titulaire de la chaire de droit canonique qui était aux mains des Jésuites depuis 1685.

En 1775, il donna une série de leçons sur la philosophie pratique de Johann Georg Feder (1740 – 1821), qui représentait alors, au sein de l’université allemande, la Popularphilosophie.

Il deviendra alors vite l’adversaire des Jésuites mais comme ses conceptions du catholicisme ne le satisfaisaient pas non plus, il se tourna vers le philosophe juif Moses Mendelssohn (1729 – 1786) qui le convertira au gnosticisme !

Moses Mendelssohn

Le 1er mai 1776, il fonda « le Cercle des Perfectibilistes » afin de réunir autour de ces idées nouvelles ses meilleurs étudiants. Sous cette première forme, le groupe de Weishaupt n’était encore qu’une simple association de penseurs !

En 1777, il fut initié à la Loge franc-maçonnique de « Théodore du Bon Conseil » à Munich. Rapidement déçu dans ses attentes et influencé par la déclaration d’indépendance américaine, signée le 4 juillet 1776, il commença alors à imaginer la création d’un nouvel Ordre qui deviendra celui des « Illuminés de Bavière ».

En 1777 est donnée à tort comme la date de fondation de l’Ordre, car en réalité, les années les plus importantes furent les six qui précédèrent son instauration officielle, où Weishaupt fut contacté par un petit cercle d’individus se faisant appeler « les Sages de Sion » et qui comptait les célèbres prêteurs juifs Rothschild…

Mayer Amschel Rothschild (1744 - 1812)

L’ordre des illuminés comptait parmi ses membres Johann Wolfgang Von Goethe (le célèbre poète), le duc Charles Auguste de Weimar, le duc Ferdinand de Brunswick, le baron de Dahlberg (vaguemestre général de Thum und Taxis) et le baron Adolph von Knigge (1752 – 1796).

Knigge deviendra le bras droit de Weishaupt et le père des nouveaux grades du système des illuminés…

Comme chez les jésuites, la confrérie des illuminés était gérée de façon militaire et organisée en cercles imbriqués les uns dans les autres, un peu comme des poupées russes.

Ses membres devaient abandonner tout jugement individuel et toute volonté personnelle comme dans les anciennes sociétés secrètes, les illuminés promettaient de révéler une Sagesse ancienne.

Goethe (1749 - 1832)

Adolph von Knigge

Dès qu’un initié prouvait sa faculté de garder un secret, il était admis dans un cercle plus restreint et lié à des secrets encore plus profonds.

Seuls ceux qui se trouvaient dans le plus petit cercle connaissaient les vrais buts des Illuminés.

La « connaissance était partagée entre les cercles sur la base de ce que les services de sécurité modernes appellent aujourd’hui le « principe de l’accès sélectif aux informations ».

On disait aux membres des grades inférieurs qu’il n’y avait pas de grades supérieurs et on leur cachait en même temps l’identité du grand maître.

Ils étaient divisés en 13 grades :

0° – Novice

I° – Minerval

II° – Illuminé Mineur

III° – Illuminé Majeur

IV° – Apprenti

V° – Compagnon

VI° – Maître

VII° – Illuminé Majeur, Écuyer Écossais, ou Chevalier Écossais de Saint André

VIII° – Dirigeant Illuminé Chevalier Écossais, Édifice Suprême ou des Mystères

IX° – Prêtre Illuminé ou Épope

X° – Prince Illuminé ou Régent

XI° – Mage Philosophe

XII° – Homme-Roi

Weishaupt utilisait le même système d’espionnage que les Jésuites pour tester les faiblesses de ses membres, les plaçait à des positions stratégiques ou jetait le discrédit sur ceux qui se détournaient de l’ordre !

Il utilisait aussi le chantage, la corruption par l’argent et le sexe pour les contrôler, et s’employait à recruter dans son ordre les meilleurs esprits et les plus éclairés qu’il choisissait dans la haute finance, l’industrie, l’éducation et la littérature.

Il se plaisait à répéter au sein du dernier cercle des Illuminés :

« Cherchez la compagnie des jeunes gens, observez-les et, si l’un d’eux vous plait, mettez-lui la main dessus. Comprenez-vous vraiment ce que veut dire diriger une société secrète ?

Non seulement régner sur le peuple dans son ensemble, mais sur les hommes les meilleurs, des hommes de toutes les races, nations ou religions, régner sans force visible.

Le but final de notre société n’est autre que de prendre le pouvoir et les richesses et d’avoir la maîtrise du monde ! »

Le véritable but des Illuminés était de mettre en place une société gérée sur des bases purement matérialistes, une nouvelle société révolutionnaire et ils avaient décidé que le pays où seraient testées leurs théories serait la France !

Cependant, l’idéologie de Weishaupt fut révélée malencontreusement par un document secret de l’ordre, connu sous le nom de « Nouveau Testament de Satan ».

En 1785, Jacob Lanz, un messager des Illuminés, fut frappé par la foudre alors qu’il se rendait en Silésie ; cet incident permit de prendre connaissance d’une partie des informations relatives à une conspiration mondiale.

Ces papiers révélaient que la sagesse ancienne et les pouvoirs secrets surnaturels promulgués au sein de la confrérie des Illuminés avaient toujours été une frauduleuse et cynique invention !

L’aspirant progressait par grade pour découvrir au final que les enseignements spirituels n’étaient qu’un écran de fumée et que le « secret ultime » était qu’il n’y avait pas de secret !

L’aspirant illuminé était alors forcé de suivre une philosophie nihiliste et anarchiste qui faisait appel à ses pires instincts !

Extraits du Nouveau Testament de Satan :

« Le premier secret pour diriger les hommes et être maître de l’opinion publique est de semer la discorde, le doute et de créer des points de vue opposés le temps nécessaire pour que les hommes, perdus dans cette confusion, ne s’y retrouvent plus et soient persuadés qu’il est préférable de ne pas avoir d’opinion personnelle quand il s’agit des affaires de l’État.

Il faut attiser les passions du peuple et créer une littérature insipide, obscène et répugnante. Le devoir de la presse est de prouver l’incapacité des non-illuminés dans tous les domaines de la vie religieuse et gouvernementale.

Le deuxième secret consiste à exacerber les faiblesses humaines, toutes les mauvaises habitudes, les passions et les défauts jusqu’à ce que règne une totale incompréhension entre les hommes.

Il faut surtout combattre les fortes personnalités qui sont le plus grand des dangers. Si elles font preuve d’un esprit créatif, elles ont plus d’impact que les millions d’hommes laissés dans l’ignorance.

Envies, haines, disputes et guerres, privations, famines et propagation d’épidémies doivent épuiser les peuples à un point tel que les hommes ne voient plus d’autre solution que de se soumettre pleinement à la domination des Illuminés.

Un état épuisé par les luttes intestines ou qui tombe au pouvoir d’ennemis extérieurs à la suite d’une guerre civile est, en tous cas, voué à l’anéantissement et finira par être en leur pouvoir.

Il faudra habituer les peuples à prendre les apparences pour argent comptant, à se satisfaire du superficiel, à ne poursuivre que leur propre plaisir, à s’épuiser dans leur quête éternelle du nouveau et, en fin de compte, à suivre les Illuminés.

Ceux-ci parviendront à leur but en rémunérant bien les masses pour leur obéissance et leur écoute. La société une fois dépravée, les hommes perdront toute foi en Dieu.

En ciblant leur travail par la parole et par la plume et en faisant preuve d’adaptation, ils dirigeront le peuple selon leur volonté.

Il faudra déshabituer les hommes à penser par eux-mêmes : on leur donnera un enseignement basé seulement sur du concret et on occupera leur esprit à des joutes oratoires qui ne sont que simulacres.

Les orateurs parmi les Illuminés galvauderont les idées libérales des partis jusqu’au moment où les hommes en seront tellement lassés qu’ils prendront en dégoût tous les orateurs, de quelque bord qu’ils soient.

Par contre, il faudra rabâcher aux citoyens la doctrine d’État des Illuminés pour qu’ils restent dans leur profonde inconscience.

La masse étant aveugle, insensée et incapable de juger elle-même, elle n’aura pas droit au chapitre dans les affaires de l’État mais devra être régie d’une main de fer, avec justesse mais aussi avec une impitoyable sévérité.

Pour dominer le monde, il faudra emprunter des voies détournées, chercher à démanteler les piliers sur lesquels repose toute vraie liberté (celle de la jurisprudence, des élections, de la presse, la liberté de la personne et surtout de l’éducation et de la formation du peuple) et maintenir le secret le plus strict sur tout ce qui est entrepris.

En minant intentionnellement les pierres angulaires de l’État, les Illuminés feront des gouvernements leur souffre-douleur jusqu’à ce que, de guerre lasse, ils renoncent à leur pouvoir.

Il faudra exacerber en Europe les différences entre les personnes et les peuples, attiser la haine raciale et le mépris de la foi afin que se creuse un fossé infranchissable, si bien qu’aucun État chrétien ne trouve de soutien : tout autre État devra redouter de se liguer avec lui contre les Illuminés, de crainte que cette prise de position le desserve.

Il faudra semer discordes, troubles et inimitiés dans d’autres parties de la Terre pour que les peuples apprennent à connaître la crainte et qu’ils ne soient plus capables d’opposer la moindre résistance.

Toute institution nationale devra remplir une tâche importante dans la vie du pays pour que la machine d’État soit paralysée dès qu’une institution bat de l’aile.

Il faudra choisir les futurs chefs d’État parmi ceux qui sont serviles et soumis inconditionnellement aux Illuminés et aussi parmi ceux dont le passé est entaché d’un coin secret.

Ils seront des exécuteurs fidèles des instructions données par les Illuminés. Ainsi, il sera possible à ceux-ci de contourner les lois et de modifier les constitutions.

Les Illuminés auront en main toutes les forces armées si le droit d’ordonner l’état de guerre est conféré au président. Par contre, les dirigeants « non-initiés » devront être écartés des affaires de l’État.

Il suffit de leur faire assumer le cérémonial de l’étiquette en usage dans chaque pays. La vénalité des hauts fonctionnaires d’État devra pousser les gouvernements à accepter des prêts extérieurs qui les endetteront et les rendront esclaves des Illuminati.

En conséquence, la puissance monétaire doit remporter de haute lutte la suprématie dans le commerce et l’industrie afin que les industriels agrandissent leur pouvoir politique moyennant leurs capitaux.

Outre les Illuminés dont dépendront les millionnaires, la police et les soldats, tous les autres ne devront rien posséder.

L’introduction du suffrage universel doit permettre que seul règne la majorité. Habituer les gens à l’idée de s’autodéterminer contribuera à détruire le sens de la famille et des valeurs éducatives.

Une éducation basée sur une doctrine mensongère et sur des enseignements erronés abêtira les jeunes, elle les pervertira et fera d’eux des dépravés.

En se reliant aux loges franc-maçonniques déjà existantes et en créant de nouvelles loges, les Illuminés atteindront le but souhaité.

Personne ne connait leur existence ni leurs buts, encore moins abrutis que sont les non-illuminés qui sont amenés à prendre part aux loges franc-maçonniques ouvertes où l’on ne fait que leur jeter de la poudre aux yeux.

Tous ces moyens amèneront les peuples à prier les Illuminés de prendre en main le monde. Le nouveau gouvernement mondial doit apparaître comme protecteur et bienfaiteur pour tous ceux qui se soumettent librement à lui.

Si un État se rebelle, il faut inciter ses voisins à lui faire la guerre.

Si ces derniers veulent s’allier, il faut déchaîner une guerre mondiale. »

De toute évidence, le Nouveau Testament de Satan était directement inspiré des célèbres Protocoles des Sages de Sion dont il reprenait les idées !

Les conspirateurs avaient reconnu la force et l’influence des loges franc-maçonniques déjà existantes et commencèrent à les infiltrer selon un plan précis pour en obtenir le contrôle.

Les loges infiltrées furent alors désignées sous le nom de « Loges du Grand Orient ».

À cette époque, un célèbre marquis et orateur français, Honoré Gabriel Riqueti Mirabeau, dit « Mirabeau », s’était fortement endetté en menant un grand train de vie et fut sournoisement contacté par Weishaupt sur l’ordre des Sages de Sion !

Mirabeau (1749 - 1791)

Moses Mendelssohn présenta alors à Mirabeau la femme du Juif Herz, qui deviendra sa maitresse, le fera chanter et le conduira à accumuler encore plus de dettes ; Mirabeau se retrouva alors entièrement sous le contrôle des Illuminés !

Il fut ensuite contraint de se familiariser avec l’illuminisme et reçut la mission de persuader le Duc d’Orléans, déjà grand maître des francs-maçons en France, de transformer les « Loges Bleues » en « Loges du Grand Orient ».

Le 16 avril 1782, l’alliance entre les francs-maçons et les illuminés de Bavière fut scellée à Wilhemsbad. Le Convent maçonnique de Wilhemsbad unit alors approximativement trois millions de membres de différentes sociétés secrètes dirigeantes.

Il est intéressant de noter qu’un des accords de Wilhemsbad rendit possible l’admission des Juifs dans les loges maçonniques alors que ces derniers n’avaient encore que peu de droits à cette époque.

Toutes les personnes présentes à Wilhemsbad jurèrent, en bons conspirateurs, de garder le secret absolu. Cependant, le comte François-Henri de Virieu (1754 – 1793) finira un jour par dire :

« Je vais seulement te dire que c’est plus sérieux que tu ne crois. La conspiration qui se déroule ici a été si parfaitement imaginée qu’il n’y a aucune possibilité pour la Monarchie et l’Église d’y échapper. »

Joseph Balsamo dit « Cagliostro », l’un des protagonistes de la célèbre escroquerie de l’affaire du collier de la reine (Ouroboros 22), agissait en réalité, lui aussi pour le compte des Illuminés !

François-Henri de Virieu

Le comte de Saint-Germain, lui aussi présent au Convent de Wilhemsbad, désapprouva la conspiration, mais tenta en vain de mettre en garde contre les risques que pourrait entrainer le renversement d’une des plus grandes monarchies européennes !

Plus tard, le 11 octobre 1785, après que certains secrets de ce complot furent involontairement révélés, l’Électeur de Bavière effectua une perquisition dans la maison du principal assistant de Weishaupt, Mr de Zwack.

Il fit alors main basse sur beaucoup de documents décrivant le véritable plan des Illuminés et but réel du Novus Order Seclorum (Nouvel Ordre Mondial).

Il décida alors de publier ces papiers, aussi largement que possible, sous le nom « d’écrits originaux de l’ordre et de la secte des Illuminés », pour mettre en garde les monarques européens.

Le titre de professeur fut alors retiré à Weishaupt qui disparut dans la nature. Comme il ne nia jamais la rumeur que l’ordre des Illuminés avait été anéanti, les illuminés purent continuer à travailler en secret et réapparurent plus tard sous une nouvelle forme…

Adam Weishaupt mourut en 1830 à l’âge de 82 ans et Giuseppe Mazzini prit alors en charge la direction de l’ordre des Illuminés de Bavière, de 1834 jusqu’à sa mort en 1872.

Pendant sa présidence, Mazzini correspondait avec Albert Pike, le Grand Maître Souverain de l’ancien et honorable rite écossais franc-maçon, dans la juridiction du sud des États-Unis.

Albert Pike (1809 - 1891)

Le 24 décembre 1865, Albert Pike réunira six jeunes officiers sudistes (J. Calvin Jones, Frank O. McCord, Richard R. Reed, John B. Kennedy, John C. Lester, James R. Crowe), tous d’origine écossaise et ils fonderont le KU KLUX KLAN, l’organisation suprématiste blanche protestante des États-Unis !

Mais ceci est une autre histoire…

Aussi, revenons maintenant dans l’Europe de la fin du XVIIIe siècle, et préparons-nous à suivre la plus grande conspiration de l’histoire de l’humanité !

 

La Révolution Française

En France, Louis XVI tarda à accepter les réformes de l’Assemblée et l’avocat Camille Desmoulins appela à la révolte armée.

En juin 1789, le roi tenta de dissoudre l’Assemblée et rappela ses troupes à Versailles, mais elles furent fortement affaiblies par des désertions massives…

Les monarques européens n’étaient nullement conscients du danger et assistèrent alors impuissants, le 14 juillet 1789, à la prise de la Bastille par le peuple de Paris, à la Révolution française et à la naissance de la « première république » européenne !

Le cri de guerre du régime de la Terreur et des nouveaux citoyens français, deviendra alors officiellement :

« LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ ».

Camille Desmoulins (1760 - 1794)

La mission du Comte de Saint-Germain avait échoué, l’humanité allait suivre délibérément une autre voie !

Le but originel des illuminés français avait été d’imprégner les gens de l’espoir et de la volonté de changement, mais l’infiltration massive des loges maçonniques, laisse à penser que le programme mis en place par l’Assemblée en 1789, avait été conçu par les illuminés allemands dès 1776.

Danton, Desmoulins, Mirabeau, Marat, Robespierre, Guillotin et plusieurs autres meneurs de la révolution, agissaient tous pour les illuminés !

Georges-Jacques Danton (1759 - 1794)

Joseph-Ignace Guillotin (1738 - 1814)

Le 8 juillet 1794, une curieuse cérémonie eut lieu devant le Louvre, aux Tuileries. Les membres de la Convention étaient tous assis dans un grand amphithéâtre improvisé et chacun tenait un épi de blé à la main, symbolisant la déesse Isis.

En face d’eux, sur une estrade, se tenait Maximilien de Robespierre enveloppé d’un manteau bleu, les cheveux poudrés.

Il leur dit : « L’univers est ici rassemblé, Ô Nature, que ta puissance est sublime et délicieuse ! Comme les tyrans doivent pâlir à l’idée de cette fête ! »

Puis il en appela à l’Être suprême et se lança dans un discours qui dura plusieurs heures et se termina par : « Demain, reprenant nos travaux, nous combattrons encore les vices et les tyrans ».

Maximilien de Robespierre (1758 - 1794)

Il s’approcha du bûcher et y mit le feu, révélant alors la statue de la Sagesse, au visage noirci par la fumée, ce qui fit rire la foule !

Le décor avait été conçu par le franc-maçon illuminé Jean-Jacques David qui voulait que la statue de la déesse Sophie semble émerger des flammes, tel un Phénix !

Le poète Gérard de Nerval affirmera plus tard que Sophie représentait Isis. Cependant, l’esprit souverain à l’époque n’était pas celui qui cache derrière ses voiles le monde des esprits ; ni celui de Mère Nature, la douce déesse nourricière de la dimension végétale du cosmos.

C’était plutôt celui de la Mère Nature « rouge sang », armée de griffes et de dents, et Robespierre finit même par faire exécuter Danton !

Saturne dévorait ses propres enfants !

Afin de compromettre ce chef sanguinaire, Marc-Guillaume-Alexis Vadier, surnommé le « Grand Inquisiteur », dénonça devant l’assemblée, Catherine Théot, une vieille prophétesse à la solde de Robespierre qui l’aidait à promouvoir le culte de l’Être suprême.

Mais l’écœurement que provoquait le bain de sang perpétuel du régime de la Terreur était arrivé à son paroxysme et la foule de Paris fit le siège de l’Hôtel de Ville…

Robespierre était cerné et tenta de se tirer dessus avec un pistolet, mais ne réussit qu’à s’arracher la moitié de la mâchoire !

Quand il fut conduit à la guillotine, le 28 juillet 1794, toujours habillé de son costume bleu, il voulut s’adresser une dernière fois à la foule, mais le « monstre » n’émit plus qu’un cri étouffé !

Marc-Guillaume-Alexis Vadier (1736 - 1828)

Le soleil brillait à nouveau sur la France et une « Étoile » succéda au monstre !

Goethe dira alors : « Nous aurions besoin que le Démon nous mène tous les jours en lisière, nous dise ce qu’il y a à faire et nous y pousse. Mais le bon esprit nous abandonne, et nous sommes sans ressort et tâtonnons dans l’obscurité. »

Sur une île de la Méditerranée, un homme « missionné » s’apprêtait alors à entrer dans l’histoire…

Toujours illuminé, toujours clair et résolu, et doué à toute heure de l’énergie suffisante pour mettre en œuvre ce qu’il savait avantageux et nécessaire pour la nouvelle République !

Sa vie fut la marche d’un demi-dieu, de batailles en batailles et de victoires en victoires !

On pouvait réellement dire de lui qu’il se trouvait dans une illumination perpétuelle. C’est pourquoi sa destinée fut d’un éclat tel, que jamais le monde n’en avait vu de pareil avant lui, et jamais peut-être n’en reverra plus, après lui !

Partons maintenant à sa rencontre…

 

Napoléon Bonaparte

Napoléon Ier, de son vrai nom Napoléon Bonaparte, naquit le 15 août 1769 à Ajaccio, en Corse. Second enfant de Charles Bonaparte et Letizia Ramolino, il fut d’abord militaire, puis Général dans les armées de la première République Française et Commandant en chef de l’armée d’Italie et d’Orient.

Il parviendra au pouvoir suprême en 1799, par le coup d’État du 18 brumaire et sera promu Premier Consul jusqu’au 2 août 1802, puis Consul à vie jusqu’au 18 mai 1804, date à laquelle il se proclamera Empereur par un sénatus-consulte suivi d’un plébiscite.

Son sacre par le pape Pie VII aura lieu en la cathédrale de Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804.

En tant que général en chef et chef d’État, Napoléon tenta de briser les coalitions montées et financées par le Royaume de Grande-Bretagne, qui rassemblaient depuis 1792, les monarchies européennes contre la France et son régime, né de la Révolution.

Il conduisit les armées françaises d’Italie jusqu’en Égypte et d’Autriche en Prusse et en Pologne, remportant de nombreuses et brillantes victoires qui disloquèrent les quatre premières coalitions ennemies :

Arcole (1796), Rivoli (1797), les Pyramides (1798), Marengo (1800), Austerlitz (1805), Iéna (1806), Friedland (1807).

Les paix successives, qui mirent un terme à chacune de ces coalitions, renforcèrent la France et donnèrent à Napoléon, un degré de puissance jusqu’alors rarement égalé en Europe, surtout lors de la paix de Tilsit, en 1807.

Elles lui permirent de réorganiser et de réformer durablement l’État et la société, de porter le territoire français à son extension maximale avec 134 départements en 1812, transformant Rome, Hambourg, Barcelone ou Amsterdam en chefs-lieux de départements français.

Il devint aussi président de la République italienne de 1802 à 1805, puis roi d’Italie de 1805 à 1814, mais également médiateur de la Confédération suisse de 1803 à 1813 et protecteur de la Confédération du Rhin de 1806 à 1813.

Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard

Ses victoires lui permirent aussi d’annexer à la France de vastes territoires et de gouverner la majeure partie de l’Europe continentale en plaçant les membres de sa famille sur les trônes de plusieurs royaumes : Joseph sur celui de Naples puis d’Espagne, Louis sur celui de Hollande, Jérôme sur celui de Westphalie et son beau-frère Joachim Murat à Naples.

Il créa également un duché à Varsovie, sans oser restaurer formellement l’indépendance polonaise, et soumit temporairement à son influence des puissances vaincues telles que le Royaume de Prusse et l’Empire d’Autriche.

Pour les historiens, Napoléon fut l’objet, dès son vivant, d’une légende dorée comme d’une légende noire, il dut sa très grande notoriété à son habileté militaire et à son incroyable trajectoire politique.

Mais il dut aussi sa légende à son régime despotique et très centralisé ainsi qu’à son ambition qui se traduisit par des guerres d’agression très meurtrières (au Portugal, en Espagne et en Russie) avec des centaines de milliers de morts et blessés, militaires et civils pour l’ensemble de l’Europe.

De plus, Napoléon tenta également de renforcer le régime colonial français en outre-mer, en rétablissant l’esclavage en 1802, ce qui provoqua la guerre de Saint-Domingue (1802 – 1803) et la perte définitive de cette colonie, tandis que les britanniques s’assurèrent le contrôle de toutes les autres colonies entre 1803 et 1810.

Les britanniques toujours invaincus et s’obstinant à financer des coalitions de plus en plus générales, permirent alors à leurs alliés de remporter des succès décisifs : la bataille de Vitoria en Espagne (1813) et celle de Leipzig en Allemagne (1813).

Amené à abdiquer en 1814, après la prise de Paris et à se retirer sur l’île d’Elbe, Napoléon tentera une dernière fois de reprendre le pouvoir en France.

Son retour à Paris aux Tuileries, le 20 mars 1815, marquera le début de la période dite des Cent-Jours. Napoléon fit alors établir l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire (rédigé le 22 avril, approuvée le 1er juin) et élire une Chambre des représentants.

Sur le plan international, il affirmera enfin ses volontés pacifiques, mais les alliés n’acceptèrent pas son retour et reprirent les armes contre la France !

L’armée napoléonienne sera finalement défaite à la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, et la jonction des armées prussiennes et britanniques, que ne pouvait plus contrer le maréchal Grouchy, aura définitivement raison des dernières troupes de l’Empereur…

Première Abdication : Les adieux de Fontainebleau - 1814

Le 21 juin 1815, l’empereur abdiquera une seconde fois, en faveur de son fils Napoléon François Charles Joseph Bonaparte (1811 – 1832) dit « Napoléon II ».

Cependant, devant l’avancée des armées de la septième Coalition sur Paris, il s’enfuit le 25 juin pour le château de Malmaison, puis à Rochefort et Fouras, où l’attendaient deux frégates la Saale et la Méduse, à destination des États-Unis.

Il embarqua le 8 juillet, mais Joseph Fouché, alors président du gouvernement provisoire français, alerta les Britanniques sur les risques de fuite de Napoléon.

Rattrapé par la marine anglaise, Napoléon sera transféré sur le vaisseau Bellerophon, puis le 7 août 1815, sur le Northumberland et exilé sur l’île volcanique de Sainte-Hélène ; située au milieu de l’océan Atlantique sud, à 1 930 kms des côtes africaines et à 3 500 kms des côtes brésiliennes.

Napoléon II

Joseph Fouché dit « Fouché de Nantes », Duc d’Otrante (1759 - 1820)

On ne lui donna jamais l’occasion de poser le pied en Angleterre, car les ministres britanniques voulaient absolument éviter que l’Empereur puisse demander le droit d’asile en invoquant l’Habeas Corpus.

Prisonnier sur l’île de Sainte-Hélène, alors commandée par l’amiral Cockburn puis par Sir Hudson Lowe, Napoléon sera assigné à résidence dans la demeure de Longwood, entouré de sa dernière troupe de fidèles : le grand maréchal du palais Bertrand, le comte de Las Cases, le général Montholon et le général Gourgaud.

Napoléon y décéda le 5 mai 1821, à 17 heures et 49 minutes…

Officiellement les médecins conclurent à un cancer de l’estomac, cependant l’hypothèse d’un empoisonnement au trioxyde d’arsenic fut la cause la plus probable !

Sir Hudson Lowe (1769 - 1844)

Île de Sainte-Hélène

Devant son lit de mort, son geôlier Sir Hudson Lowe déclara :

« Messieurs, c’était le plus grand ennemi de l’Angleterre, c’était aussi le mien. Mais je lui pardonne tout. À la mort d’un si grand homme, on ne doit éprouver que tristesse et profond regret. »

Napoléon avait demandé à être enterré sur les bords de la Seine auprès du peuple français qu’il avait tant aimé, mais il fut inhumé à Sainte-Hélène !

19 ans après sa mort, le roi Louis-Philippe put obtenir du Royaume-Uni la restitution des cendres de Napoléon. L’exhumation du corps eut lieu le 15 octobre 1840 et les restes de l’empereur quittèrent définitivement l’île de Sainte-Hélène, le dimanche 18 octobre 1840.

Louis-Philippe (1773 - 1850)

Ses cendres furent rapatriées triomphalement à Paris et transférées aux Invalides, dans un grand sarcophage de quartzite aventuriné de Finlande (proche du porphyre), posé sur un socle de granit vert des Vosges et de marbre noir de Sainte-Luce.

Certains prétendent que les cendres rapatriées n’étaient pas celles de l’empereur, nous ne pouvons malheureusement leur donner tort.

En 1854, l’Empereur Napoléon III (1808 – 1873), le premier président de la République Française, élu le 10 décembre 1848 au suffrage universel, négocia avec le gouvernement britannique l’achat de Longwood House et de la vallée du Tombeau (à Sainte-Hélène), qui deviendra propriétés françaises en 1858 et est gérée depuis par le Ministère des Affaires étrangères.

Napoléon III

Bien que la mort de l’empereur fût l’objet de nombreuses controverses, un nouveau courant politique français émergea cependant au XIXe siècle, le Bonapartisme, se revendiquant de l’action et du mode de gouvernement de Napoléon.

En outre, il est intéressant de noter qu’une certaine tradition romantique fit de Napoléon l’archétype même du « grand homme » appelé à bouleverser le monde.

Il fut alors parfois comparé à un « prophète » des temps modernes et des écrivains tel que Victor Hugo en firent même le « Prométhée » moderne !

L’ombre de Napoléon plana aussi sur de nombreux ouvrages : Balzac, Stendhal, Musset, Dostoïevski, Tolstoï et de bien d’autres encore…

Victor Hugo (1802 - 1885)

Prométhée

Il est temps maintenant de laisser l’histoire « officielle » et de nous intéresser à l’histoire secrète de Napoléon, celle qui ne fut jamais rendue publique et qui resta longtemps seulement connue de quelques initiés !

Réussir, c’est pouvoir ; échouer toujours, c’est tenter éternellement : ces deux mots résument assez bien les deux destinées opposées de l’esprit du Bien de celui du Mal.

Contrairement à Alexandre le Grand, dont la mission, comme celle des Césars, n’avait aucun avenir, celle de Napoléon fut sacrée car il était guidé par un « Verbe » de vérité.

Après la révolution française, lui seul pouvait relever les autels du catholicisme en Europe et ramener Pie IX à Rome…

Pie IX fut le premier pape qui proclama le dogme de l’immaculée Conception, mais il fut également le dernier souverain des États de l’Église, qui disparurent en 1870.

Il convoqua également le premier concile œcuménique du Vatican qui définit notamment l’infaillibilité pontificale !

Pape Pie IX (1792 - 1878)

Dans la doctrine catholique de l’Incarnation, il existe un dogme connu sous le nom de « Communication des idiomes ».

Ce dogme affirme que, dans l’union de la divinité et de l’humanité en Jésus-Christ, le rapprochement des deux natures a été si étroit qu’il en a résulté une identité et une véritable unité de personne.

Autrement dit, après les conciles d’Éphèse (431 et 449 ap. J.-C.), on pouvait dire que, d’une certaine façon, Dieu était l’Homme et que l’Homme était Dieu !

C’est la raison pour laquelle Marie, la mère de l’Homme fut appelée « Mère de Dieu », que les souffrances de l’Homme furent attribuées à Dieu, et sa gloire à l’Homme !

Mais en 1845, le temps de la foi aveugle en Dieu était révolu. Il laissa alors vite la place à la foi intelligente et à l’obéissance « raisonnable » !

L’homme ne croyait plus seulement en Dieu, mais s’aventurait aussi à le chercher dans les formes extérieures de son être…

Le grand problème de cette époque était de tracer, compléter et fermer le cercle des connaissances humaines, puis par convergence des rayons, trouver un centre qui était Dieu.

Autrement dit, trouver une échelle de proportion entre les effets, les vouloirs et les causes, pour remonter à la cause première, mais aussi rendre toute vérité religieuse aussi certaine et clairement démontrable que la solution d’un problème géométrique.

Pour les anciens Sages, l’application de la raison absolue à la faculté psychologique humaine de la cognition produisait la faculté supérieure de la création des principes et la déduction des conséquences ; le grand sujet de la philosophie !

Mais également, l’application de la raison absolue à la faculté psychologique humaine du sentiment produisait la faculté supérieure du sentiment moral et religieux ; le grand sujet de la religion !

Pour eux, le Messianisme pouvait donc parvenir à l’union de la philosophie et de la religion, en les dégageant l’une et l’autre de leurs entraves physiques et terrestres, puis en les ramenant à la raison absolue qui était leur source commune.

À leurs yeux, ce sont ces entraves qui rendaient possible l’Erreur dans le domaine de la philosophie et le Péché dans le domaine de la religion, surtout lorsqu’elles étaient communes à celles de la dépravation morale de l’espèce humaine !

Pour retourner les forces humaines, il suffisait alors simplement de détromper l’intelligence de l’homme et de lui montrer un but où elle croyait trouver un obstacle. La Religion devenait alors raisonnable et la Raison sainte !

La grande erreur des docteurs de l’Église Catholique fut donc de tenter d’absorber l’humanité dans la divinité, en niant le droit humain au nom du droit divin et en anéantissant la Raison au profit de la Foi !

Ils n’avaient pas compris que le Christ, la divinité rendue humaine, avait pour œuvre de rendre l’humanité divine : le Verbe fait chair n’avait donc qu’un seul but, permettre à la chair de devenir Verbe !

La révolution française fut donc aussi, et d’une certaine façon, une expérience divine qui permit au génie humain de se mesurer à Dieu !

Le Verbe divin et le Verbe humain, conçus séparément, mais avec la même notion d’unité qui les rendait inséparables avait dès le commencement permis de fonder la Religion et l’Empire.

Dans la religion, les luttes de la papauté pour prévaloir seule, avait été l’affirmation absolue du Verbe divin, aussi pour rétablir l’équilibre du Dogme de l’Incarnation, l’empire devait à son tour promouvoir l’affirmation absolue du Verbe humain !

Telle fut l’origine de la Réforme en Europe, qui aboutit à la Révolution Française et à la déclaration des Droits de l’Homme de 1789 !

Incarnée en Napoléon, la révolution européenne cessa d’être un désordre et produisit, par un éclatant succès, la preuve de la puissance de son Verbe et par conséquent, celle du Verbe humain !

L’histoire de l’Église de Rome, depuis Constantin jusqu’à la Réforme avait conduit à affirmer le Verbe divin jusqu’au sacrifice du Verbe humain, mais désormais un homme allait démontrer que le Verbe humain était immortel et assez puissant pour rattacher l’humanité à Dieu !

Telle fut aussi en réalité, la véritable histoire de la révolution européenne toute entière, commencée au XVIe siècle !

Aucun empereur n’avait été couronné par le pape depuis Charlemagne, aussi le 2 décembre 1804, Pie VII se vit contraint de couronner à Notre Dame, la sainte usurpation d’un nouveau César et la Révolution incarnée devint Sacrée, c’est-à-dire qu’elle reçut l’onction qui fait les Christs de la main même du plus vénérable successeur des pères de l’Église !

Cependant, bien qu’il promit de se conformer aux règles du cérémonial, Napoléon (véritable Œdipe des temps modernes) devança le pape, monta à l’autel et s’empara de la couronne, qu’il se posa lui-même sur la tête !

Ensuite, il couronna sa compagne, Joséphine de Beauharnais, la nouvelle impératrice de l’Empire !

L’Homme éclairé venait de proclamer pour la première fois de son histoire, la puissance de son Verbe, mais tendait toujours la main vers Dieu !

Empereur Napoléon

Joséphine de Beauharnais (1763 - 1814)

Pape Pie VII (1742 - 1823)

Pour bon nombre de ses contemporains comme pour lui-même, il était l’Alexandre le Grand du monde moderne, réunissant l’Est et l’Ouest par ses conquêtes.

En 1798, les troupes françaises envahirent l’Égypte (la bataille des Pyramides), mais ce ne fut pas une campagne glorieuse !

Cependant, elle fut importante pour Napoléon sur le plan personnel…

L’empereur choisit alors l’occultiste et astrologue Antoine Fabre d’Olivet (1767 – 1825) comme conseiller personnel et se débrouilla pour passer une nuit seul, à l’intérieur de la Grande Pyramide.

D’après Joseph Fouché, le chef de la police secrète française, Napoléon rencontra dans la Grande Pyramide un homme prétendant être le comte de Saint-Germain !

Antoine Fabre d'Olivet

De retour en France, il fera appel à une équipe d’érudits qui conclura qu’Isis était l’ancienne déesse de Paris et décrétera que la déesse et son étoile devaient figurer symboliquement sur les armoiries de la ville !

C’est la raison pour laquelle, sur l’Arc de triomphe à Paris, sa compagne Joséphine de Beauharnais est représentée, agenouillée devant l’empereur, portant le laurier d’Isis.

Cela signifie aussi que Napoléon ne s’identifiait pas à Sirius, mais qu’il suivait l’étoile tout comme Orion la suit dans le ciel.

Dans certaines initiations franc-maçonniques, des candidats renaissent tout comme Osiris, en regardant une étoile à cinq branches représentant Isis…

Par analogie, Osiris et Isis sont aussi associés au Soleil et à la Lune et à un certain niveau, cela a à voir avec la façon dont le cosmos s’est arrangé afin de rendre la pensée humaine possible.

Dans l’ancienne Égypte, la levée hélicoïdale de Sirius, à la mi-juin, présageait la montée du Nil. Dans certaines traditions ésotériques, Sirius est le soleil central de l’univers, autour duquel tourne notre Soleil.

Osiris/Orion le chasseur est l’élan masculin vers le pouvoir, l’action et la fécondation, pourchassant Isis, la gardienne des mystères de la vie.

D’ailleurs, c’est ainsi que Napoléon considérait Joséphine, née d’une famille très impliquée dans la franc-maçonnerie et qui était elle-même déjà franc-maçonne lorsqu’il la rencontra !

Statue d'Isis

Cependant, si Napoléon conquit l’Europe continentale, il ne réussit jamais tout à fait à conquérir le cœur de la sublime Joséphine !

Il la désirait comme Dante désirait Béatrice et cet intense désir lui fit sans doute aspirer à davantage…

Ce réseau complexe de pensée ésotérique mêlé à son amour brûlant pour Joséphine, alimentait donc en permanence ce sentiment de « grande destinée » qu’il ressentait au plus profond de lui !

Depuis que la réforme et la révolution avaient ébranlé en Europe la base de tous les pouvoirs ; depuis que la négation du droit divin transformait en usurpateur presque tous les maîtres du monde et livrait l’univers politique à l’athéisme ou au fétichisme des partis, un seul peuple, conservateur des doctrines d’unité et d’autorité, était devenu le peuple de Dieu en politique !

Ce peuple inspiré d’une pensée qui pouvait se transformer en Verbe était la race vigoureuse des Slaves et sa pensée, celle du Tsar Pierre Ier de Russie, dit « Pierre le Grand » (1672 – 1725).

Donner une réalisation humaine à l’empire universel et spirituel du Christ, donner au Christianisme son accomplissement temporel, en unissant tous les peuples en un seul corps, tel devait être désormais le rêve du génie politique transformé par l’idée chrétienne en génie social.

Pierre le Grand

Mais où serait la tête de ce colossal empire ?

Rome avait eu à ce sujet sa pensée, Pierre le Grand la sienne, mais à la fin du XVIIIe siècle, seul Napoléon pouvait en concevoir une autre !

Si la Russie avait été catholique après la Réforme, la révolution française eut-été étouffée dans l’œuf, mais l’autorité divine de l’apôtre Pierre manquait aux projets des descendants du Tsar (la branche de Holstein-Gottorp qui prendra le nom de « Romanov » et qui règnera sur la Russie jusqu’en 1917) et Napoléon en tira habilement profit !

C’est la raison pour laquelle il fit relever les autels du Christianisme, se fit sacrer par le successeur d’Hildebrand et d’Innocent III, et crut dès lors à sa bonne étoile, car l’autorité qui vient de Dieu ne manquait plus à sa puissance !

Mais, comme le Christ qui fut crucifié, Napoléon finit aussi par être abandonné au malheur par la providence !

Du supplice de Jésus-Christ accusé par les prêtres devait naître un nouveau royaume et, du martyre de l’empereur trahi par les rois devait naître une nouvelle royauté…

En 1813, les pouvoirs qui le guidaient et le fortifiaient l’abandonnèrent brusquement, comme cela finit toujours par arriver et, comme l’a dit Goethe, les forces négatives l’assaillirent de toutes parts, cherchant à le détruire !

Nous voyons ce même processus à l’œuvre chez les artistes : ils se battent pour trouver leur voie, atteignent des périodes d’inspiration d’une perfection inouïe qui transforment l’art, puis quand l’esprit les quitte brusquement, ils sont incapables de les retrouver, malgré tous leurs efforts !

Que représentait réellement l’empire de Napoléon ?

En résumé, on peut dire que c’était une synthèse révolutionnaire qui rassemblait le droit de tous dans celui d’un seul.

C’était la Liberté justifiée par la Puissance et par la Gloire, mais aussi l’autorité prouvée par les actes ou encore le despotisme de l’honneur substitué à celui de la crainte.

Dans le désespoir et la solitude de son exil à Sainte-Hélène, Napoléon ne voyait plus d’autre alternative pour l’Europe que d’être républicaine ou cosaque avant cinquante ans !

En effet, si la France, comme le voulaient les anarchistes, s’était liguée en 1849, avec l’ingratitude romaine, ou avait seulement laissé instaurer le trône pontifical par l’Autriche et par la Russie, sa destinée finissait et le beau rêve de Pierre le Grand se verrait accompli !

Juste avant de mourir, le nouveau Prométhée écrira :

« Je suis cloué à un roc et un vautour me ronge. Oui, j’avais dérobé le feu du ciel pour en doter la France : le feu est remonté à sa source, et me voilà !

La gloire était pour moi ce pont que Lucifer a lancé sur le chaos pour escalader le ciel ; elle réunissait au passé l’avenir, qui en est séparé par un abîme… Rien à mon fils que mon nom ! »

Jamais rien de si grand que ces quelques lignes, n’était sorti de la pensée humaine :

« Rien à mon fils que mon nom ! »

Était-ce seulement un héritage de gloire qu’il croyait transmettre, ou plutôt, dans l’intuition prophétique des mourants, comprenait-il que son nom, inséparable de sa pensée, contenait à lui seul toute la fortune avec la destinée du monde ?

« L’État, c’est moi ! » avait dit Louis XIV, résumant d’un mot tout l’esprit des institutions monarchiques…

« Le peuple souverain, c’est moi ! » aurait pu dire l’empereur, résumant à son tour toute la force républicaine, car plus un chef avait d’autorité, plus son peuple était libre…

Mais cette liberté eut un prix, la France avait perdu environ 1 700 000 hommes depuis 1792, dont la majorité dans les guerres napoléoniennes.

Elle était économiquement ruinée et avait perdu toutes les colonies qui lui restaient de l’Ancien Régime.

Son influence internationale, mise en place depuis Richelieu et Louis XIV, était réduite à néant et la Sarre et les villes de Marienbourg, Philippeville et Landau, acquises sous Louis XIV, furent cédées aux coalisés.

De plus, la France dut payer une lourde indemnité de guerre pour l’entretien des troupes étrangères établies sur son sol…

Le peuple de France a aussi souvent dit que l’empereur n’avait pu concilier la liberté et l’ordre et que pour fonder sa puissance, il avait dû interdire aux Français l’usage de leurs droits, ou encore qu’il avait fait oublier la liberté au profit de la gloire !

Mais il serait injuste de ne pas porter son regard au-delà des apparences !

Quand les abus de pouvoir ont produit la révolte et enflammé l’Europe, le monde qui ne voulait plus s’orienter vers l’esclavage ou l’anarchie, attendait l’instauration d’un nouveau pouvoir qui tiendrait compte de ses protestations et règneraient en lui garantissant la Liberté !

C’est ce que fut aussi la mission de Napoléon !

Ce qui a rendu si affreuse son agonie sur Sainte-Hélène, ce n’est pas le regret du passé car la gloire se saurait mourir, mais plutôt l’épouvante d’emporter avec lui l’avenir du monde !

Aux derniers souffles de sa vie, il murmura : « Oh ! Ce n’est pas la mort, c’est la vie qui me tue ! »

Puis portant la main droite à sa poitrine, il ajouta : « Ils ont enfoncé là un couteau de boucher et ils ont brisé le fer dans la plaie ! », et enfin juste avant de quitter ce monde, il répéta par deux fois ces paroles énigmatiques « La tête de l’armée ! »

Pour les hommes qui s’imaginent l’absolu dans les extrêmes, la raison et la foi, la liberté et l’autorité, le droit et le devoir, le travail et le capital resteront toujours inconciliables, car seuls une Foi raisonnable, la Liberté autorisée et le Droit mérité par le travail accompli peuvent l’être !

Napoléon fut le premier homme qui fit prendre conscience à l’humanité que toute puissance qui ne rend pas raison d’elle-même et qui pèse sur les libertés sans leur donner garanties, n’est qu’un pouvoir aveugle et transitoire !

À partir de lui, l’homme comprit que l’idée de l’absolu en politique devait s’appuyer sur un nouveau modèle :

L’autorité vraie et durable est celle qui s’appuie sur la liberté, tout en lui donnant une règle et un frein !

Au milieu du XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie s’était répandue en Autriche, en Espagne, en Inde, en Italie, en Suède, en Allemagne, en Pologne, en Russie, au Danemark, en Norvège et en Chine.

Au XIXe siècle, suivant les traces des frères français et américains, la franc-maçonnerie inspira des révolutions républicaines dans le monde entier !

De nombreux francs-maçons étaient profondément versés dans les sciences occultes et le rosicrucisme, comme le célèbre général Giuseppe Garibaldi (1807 – 1882), l’un des pères de la patrie italienne, lui-même franc-maçon au 33e degré et grand maître de la franc-maçonnerie italienne.

Giuseppe Garibaldi

Par la suite, cet esprit révolutionnaire allait souffler sur le monde et permettre à de nouveaux personnages revendiquant la Liberté, d’entrer eux-aussi dans l’histoire :

Louis Kossuth (1762 – 1839) en Hongrie, Simón Bolivar (1783 – 1830) en Amérique du Sud, Francisco de Miranda (1750 – 1816) au Venezuela, Benito Juarez (1806 – 1872) et Venustiano Carranza (1859 – 1920) au Mexique, Ernesto Che Guevara (1928 – 1967) et son compagnon Fidel Castro (1926 – 2016) à la Havane !

Che Guevara

Dans tous les précédents opus d’Ouroboros, nous avons fait régulièrement référence à certaines expériences que le candidat doit traverser afin d’atteindre des niveaux élevés d’initiation, y compris l’expérience de la « kamaloca », où l’esprit et l’âme, réunis, sont attaqués par des démons…

Mais il existe un autre aspect de cette conception, enseignée dans les écoles ésotériques, selon laquelle l’humanité toute entière doit aussi traverser une sorte d’initiation.

À partir du XIXe siècle, les sociétés secrètes se préparaient déjà à cet événement, aidant l’humanité à développer le sentiment de soi et d’autres qualités qui seraient nécessaires pour affronter les nouvelles épreuves à venir !

 

L’essor occulte du Roman

Comme nous l’avions déjà vu dans Ouroboros 12, Jésus-Christ fut le premier homme qui planta la graine de la vie intérieure et cette graine fut ensuite développée et peuplée dans les œuvres de Shakespeare et de Cervantès (Ouroboros 18).

Cependant, nous devons aussi dire maintenant qu’au XVIIIe siècle et particulièrement au XIXe siècle, de grands romanciers initiés forgèrent, eux-aussi, un sentiment que chaque être humain a aujourd’hui en lui.

Celui que notre monde intérieur a sa propre histoire, qu’il compose un récit avec du sens, des hauts et des bas, des revers de fortune, des dilemmes et des virages qu’il faut négocier quand des décisions cruciales se présentent !

Les grands romanciers de cette époque, comme les sœurs Brontë ou Charles Dickens (1812 – 1870), avaient aussi la certitude que si la conscience humaine avait évolué au cours de l’histoire, elle évoluait également pendant la vie des individus !

Aussi, le domaine de la pensée ésotérique qui allait avoir la plus grande influence sur le roman serait celui des lois profondes de la vie.

Le roman était un terrain d’expérimentation pour les écrivains enracinés dans la philosophie ésotérique qui leur permettait de démontrer l’influence de ces lois sur la vie individuelle.

Il est donc temps aujourd’hui d’affronter pour la première fois dans Ouroboros, le grand concept insaisissable qui se trouve au cœur de la vision ésotérique du cosmos et de son histoire !

Charles Dickens

Nous avons vu dans Ouroboros 18 que dans l’ombre, l’Homme Vert (l’Esprit d’Élie) avait aidé à créer une rupture entre la conscience objective de Bacon et celle subjective de William Shakespeare.

Nous avons également vu qu’en regardant le monde aussi objectivement que possible, les lois de la physique apparaissaient…

Mais qu’en est-il des expériences subjectives ?

Qu’en est-il de la structure de l’expérience elle-même ?

Avec le temps, la psychologie naîtrait. Mais la psychologie partirait du postulat matérialiste que la matière influence l’esprit et jamais le contraire !

La psychologie allait donc tourner le dos à toute une partie de l’expérience humaine universelle : l’expérience du sens !

Dès le XVIe siècle, les Rose-Croix avaient commencé à formuler des lois en accord avec la pensée ésotérique orientale sur « la voie sans nom », des lois inextricablement liées à la notion de bien-être humain (Ouroboros 19).

Mais en Orient, il existe une tradition solennelle qui consiste à dépister les actions du yang et de son opposé, le yin, mais en Occident, cette notion est restée un élément insaisissable qui a échappé aux sciences émergentes de la psychologie et de la physique.

Cependant, si les lois qui gouvernent ces éléments impalpables sont difficiles à concevoir en termes abstraits, il est bien plus facile de les voir en action !

Aussi, pour combler cette lacune en Occident, certains grands romanciers du XIXe siècle se mirent à écrire volontairement des romans explicitement occultes…

Outre « le Chant de Noël » de Dickens ou encore « Les Hauts de Hurlevent » d’Emily Brontë qui dépeint un esprit poursuivant l’objet de son amour depuis la tombe, vous devez savoir que « Le Voile Soulevé » de George Eliot fut aussi le fruit de son investigation passionnée dans l’occulte !

Dans les plus grands romans se manifestèrent alors une vision des lois profondes qui régissent les vies individuelles, des schémas complexes et irrationnels qui n’auraient pu exister si la science était la seule capable d’expliquer tout ce qui existe dans l’univers.

Jane Eyre, Bleak House, Moby Dick, Middlemarch ou encore Guerre et Paix sont des miroirs de nos vies : ils mettent en évidence les schémas significatifs d’ordre et de sens qui constituent notre expérience universelle, et cela même quand la science nous dit de ne pas croire aux preuves qui sont sous nos yeux, dans nos cœurs et nos esprits !

Emily Brontë (1818 - 1848)

La plus grande contribution qu’a apportée le roman au sentiment de soi est la formation du sentiment de narration intérieure, l’idée que la vie d’un individu vue de l’intérieur a une forme, un sens et qu’elle constitue une histoire.

Sous-jacente à ces notions de forme et de sens réside la croyance que la vie des gens est formée par les épreuves qu’ils subissent, un labyrinthe en perpétuel changement !

Ce qui donne forme à la vie dans un roman, c’est le paradoxe même de la vie, le fait qu’elle n’est pas rectiligne, prévisible, que les apparences sont trompeuses et que la chance peut tourner.

Si ces lois profondes existent réellement, si elles sont universelles, si puissantes et importantes, si l’histoire tourne réellement autour d’elles, comment se fait-il que les hommes n’en soient pas plus conscients ?

N’est-il pas étrange que les occidentaux n’aient même pas créé un mot pour les nommer ?!

C’est surprenant, surtout parce que si ces lois sont responsables du bonheur de l’humanité, elles devraient « forcément » être utiles, car elles nourrissent l’espoir de vivre une vie heureuse !

Les règles les plus élémentaires pour avoir une vie heureuse semblent uniquement contenues dans les proverbes et les conseils raisonnables et sensés que l’homme prodigue à ses enfants.

Du moins c’est ce que l’on dit…

Mais il existe une différence : les proverbes et les conseils prodigués aux enfants ne concernent que les règles élémentaires de la vie (comment éviter de se faire mal ou obtenir le minimum nécessaire à notre survie) alors que les lois plus profondes traitent des grandes notions de destin, de bien et de mal et nous conseillent de satisfaire notre soif de bonheur aux niveaux les plus élevés et les plus ineffables, ainsi que nos besoins les plus profonds d’épanouissement et de sens !

Comparez le conseil cent fois rabâché, « réfléchis avant d’agir » avec la recommandation contenue dans une parabole perverse de Guillaume Apollinaire (1880 – 1918) :

« Venez au bord du gouffre, leur dit-il.

Nous avons peur, dirent-ils.

Venez au bord du gouffre, leur dit-il.

Ils approchèrent, il les poussa…

Et ils s’envolèrent. »

Guillaume Apollinaire

Inspirés par les enseignements des sociétés secrètes, les surréalistes voulaient détruire la pensée établie, anéantir le matérialisme scientifique ; une des manières d’y parvenir fut de promouvoir des actes irrationnels.

La parabole d’Apollinaire incite donc à penser que si l’on agit irrationnellement, on est récompensé par les forces irrationnelles de l’univers !

Mais cela laisse aussi sous-entendre qu’il existe dans l’univers des lois de cause à effet qui ne répondent pas aux lois des probabilités !

Il est difficile de discerner quoi que ce soit dans la science ou la nature qui prouverait que la vie suit un schéma pour nous tester, mais la plupart d’entre vous ont probablement le sentiment que certains romans sont bien plus que de simples distractions, qu’ils disent quelque chose de très profond sur la vie !

Lorsqu’on considère les choses sous cet angle, on voit bien qu’un même type de schémas mystérieux et irrationnels se trouve au cœur de la structure des plus grandes œuvres de la littérature :

Le roi Œdipe, Hamlet, Don Quichotte, le Docteur Faust ou encore Guerre et paix.

D’une certaine façon, Œdipe attire ce qu’il redoute le plus et finit par tuer son père et épouser sa mère.

Hamlet se dérobe sans cesse face au défi que lui réserve la vie, venger la mort de son père, mais ce défi se représente à lui de manière de plus en plus épouvantable.

Don Quichotte a une vision bienveillante et noble du monde ; sa vision est si forte que, mystérieusement, elle réussit à transformer son environnement matériel à la fin du roman.

Au fond de lui, Faust sait ce qu’il doit faire mais, puisqu’il ne le fait pas, un ordre providentiel et universel le punit.

Le héros de Guerre et paix, Pierre, est torturé par son amour pour Natasha et ce n’est que lorsqu’il renonce à ses sentiments pour elle qu’il gagne son amour !

Imaginons que nous remplissions un ordinateur géant de toutes les données de ces œuvres, ou plutôt de celles de toute la littérature, et que nous lui demandions ensuite : quelles sont les lois qui déterminent si une vie est heureuse et épanouie ?

Le résultat pourrait alors être un ensemble de lois du genre :

  • Si on cherche à fuir les défis que nous réserve la vie, ils se manifesteront à nouveau sous une autre forme !
  • Nous attirons toujours ce que nous redoutons le plus !
  • Si l’on choisit une voie sans morale, on finit toujours par payer !
  • Une croyance sincère finira toujours par transformer ce en quoi l’on croit en réalité !
  • Si l’on tient à celle qu’on aime, on doit la laisser libre, etc.

Maintenant, imaginons ce qui arriverait si nous remplissions un autre ordinateur géant de toutes les données scientifiques du monde et si nous lui posions la même question.

Le résultat serait probablement très différent :

  • La meilleure façon de garder quelque chose est de faire tout ce qui est en son pouvoir pour y arriver et ne jamais abandonner !
  • On ne transforme pas le monde en prenant ses désirs pour des réalités, il faut agir !
  • Si vous arrivez à ne pas vous faire prendre et punir par les hommes, il n’y a pas de raison pour qu’un ordre supérieur vous punisse ! Une des réponses qui semble malheureusement s’appliquer dans tous les domaines aujourd’hui !!!

Comme vous pouvez le constater, nous aurions probablement des réponses très distinctes et des lois très différentes, selon que l’on essaie de déterminer la structure du monde ou la structure de l’expérience…

Bien que les mêmes lois opèrent dans le monde extérieur, constitué de phénomènes, et dans nos vies intérieures, avec ses besoins de sens et d’épanouissement, elles ont l’air très différentes quand nous les considérons séparément.

Comme le disait Abraham Isaac Kook (1865 – 1935), premier Grand Rabbin de Palestine et l’un des plus grands kabbalistes du XXe siècle :

« Dieu se révèle dans les sentiments intimes des êtres sensibles. »

Abraham Isaac Kook

Les lois plus profondes ne sont discernables que si nous regardons les événements du monde extérieur avec la plus grande subjectivité, comme un artiste ou un mystique le ferait.

Serait-ce la subjectivité de ces lois, le fait qu’elles fonctionnent si près du centre de la conscience qui les rend si difficiles à garder à l’esprit ?

Le poète allemand Rainer Maria Rilke (1875 – 1926) a essayé d’écrire de manière explicite sur ces lois :

« Mais l’homme de solitude est lui-même une chose soumise aux lois profondes de la vie, et quand cet homme s’en va dans le jour qui se lève, ou qu’il dresse son regard à la nuit tombante, cette heure pleine d’accomplissements, s’il sent ce qui s’y accomplit, alors il se dépouille toute condition, comme un homme qui meurt, bien qu’il entre alors, lui, dans la vie véritable. »

Rainer Maria Rilke

Rilke utilisait un langage poétique mais il semble confirmer que ces lois profondes ne peuvent être perçues que si l’on se coupe du reste du monde et que l’on se concentre dessus longuement, avec toutes nos capacités de discernement.

En dehors des sociétés secrètes, il existe sur Terre, des personnes qui n’ont lu aucun des livres que nous avons mentionnés, mais qui ont acquis une connaissance extraordinaire du monde des esprits par l’expérience directe.

Comme les grands initiés, elles pratiquent une méthode de perception alternative, une autre façon de percevoir une dimension « parallèle », qui déplace les choses dans celle de l’homme !

Certaines d’entre elles ont rencontré Saint Michel, l’archange du Soleil, ou encore l’archange Gabriel, sous la forme de la Lune, divisé en deux parties, mais unies et bougeant comme les pages d’un livre qu’on tourne.

D’autres ont rencontré Élie, qui était autrefois un humain avec l’esprit d’un ange, et l’ont vu marcher sur l’eau comme l’Homme vert de la tradition soufie.

Mais à la fin du XIXe siècle, d’autres avaient aussi ressenti que d’anciennes créatures commençaient à remuer dans le ventre de la Terre, traînant leur masse vers un endroit « convenu » et connu des sociétés secrètes !

Ils avaient compris qu’emprisonnés depuis la première guerre du Paradis, les dévoreurs de conscience se réveillaient !

C’est ce que nous vous inviterons à découvrir dans le prochain chapitre d’Ouroboros !

Nous y révèlerons, entre autres, les origines occultes du modernisme et du bolchevisme.

Mais nous partirons aussi à la rencontre de Dostoïevski, Richard Wagner, Sigmund Freud, Carl Gustave Jung et du Mahatma Gandhi.

 

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